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Interview avec Hasnaa Chennaoui Aoudjehane : « Les femmes africaines abattent des montagnes en sciences »

Interview avec Hasnaa Chennaoui Aoudjehane : « Les femmes africaines abattent des montagnes en sciences »

La présidente fondatrice de la Fondation « Attarik » pour les Météorites et les Sciences Planétaires, Pr Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, s’est vue décerner le « Senior Award » pour les femmes en astronomie en Afrique, une distinction bien méritée et un signe d’encouragement. Interview.

– Récemment, vous avez été honorée par le « Senior Award » pour les femmes en astronomie en Afrique, décerné par le Réseau Africain des Femmes en Astronomie (AfNWA) et le Programme International de Science (ISP) de l’Université d’Uppsala en Suède. Que représente pour vous cette distinction ?

– C’est une très grande fierté pour moi, pour les femmes et les hommes de mon pays, le Royaume du Maroc, ainsi que pour les chercheurs de nos Universités qui font un travail remarquable, lequel mérite d’être reconnu, surtout à l’international. C’est une grande reconnaissance dont je suis touchée et honorée. Je la dédie à ma famille, en particulier, à mes parents qui ont su m’inculquer les valeurs du travail, du sérieux, du respect et du partage. À mon époux et mes enfants qui ont toujours été d’un soutien infaillible. Mais aussi à ma grande famille de Attarik Fondation et mes doctorants sur lesquels je compte pour continuer à développer le travail que j’ai initié depuis 2000 sur les météorites et la planétologie.

– Aujourd’hui, le Royaume compte peu de chercheuses dans ce domaine. Comment l’expliquez-vous ?

– En réalité, il y a peu de chercheurs en général sur ce thème, c’est normal puisqu’il s’agit d’un thème que j’ai introduit au Maroc récemment et qu’il faut un certain temps pour former des chercheurs dans ces spécialités. Maintenant, j’ai encadré plusieurs thèses de doctorat sur différents sujets en planétologie, lesquels peuvent continuer à développer ces thèmes pour peu qu’ils aient l’opportunité de trouver des postes budgétaires dans nos universités.

– Vous êtes engagée pour davantage de femmes dans les sciences. A quel moment vous vous êtes dite : « il faut changer les choses » ?

– Très belle question, merci beaucoup. Je n’avais jamais accordé d’importance au problème de genre, je l’ignorais et ne voulais pas le voir vraiment. J’ai été élevée dans une famille qui ne faisait pas de différence entre les filles et les garçons et mes parents ont accepté mon choix de faire carrière en géologie, métier masculin, surtout dans les années 80. Malgré les pics de quelques collègues hommes, je ne relevais pas ces problèmes. En 2013, j’ai eu une opportunité exceptionnelle de participer à un prestigieux programme américain : IVLP (International Visitors Leadership Program) sur le thème « Femmes en sciences ».

J’ai eu le privilège de visiter les plus grandes universités américaines et de rencontrer de très grandes chercheuses américaines qui ont partagé avec nous leurs difficultés liées au genre et leur engagement pour les dépasser. Ça a été une sorte de révélation pour moi. À partir de ce moment, j’ai commencé à appréhender différemment ce problème, et surtout d’être plus attentive aux difficultés de mes doctorantes et d’encourager plus les filles à suivre les carrières scientifiques et à plus jouer le jeu d’essayer de représenter un modèle pour elles.

– Un mot sur l’avancement des femmes dans ce domaine en Afrique…

– Les femmes africaines et les femmes marocaines, en particulier, sont formidables, ce sont des battantes, elles abattent des montagnes, y compris en sciences. Il est vrai qu’il n’y en a pas beaucoup, mais le taux est comparable à celui au niveau international. Elles ont de l’avenir. Nos jeunes astrophysiciennes marocaines ont des parcours exceptionnels. Elles font honneur à leur pays.

-Par ailleurs, le nom « Chennaoui » a été donné à un astéroïde en reconnaissance à votre engagement et vos travaux. Quel commentaire en faites-vous ?

– Honneur et fierté pour mon pays et ma famille.

– A quelles grandes découvertes peut-on s’attendre en matière d’astronomie, dans les trente prochaines années ?

– La recherche sur ces thèmes avance à pas de géant, et ceci est essentiellement dû à l’incroyable développement de la technologie et de la précision des télescopes. La science est devenue tellement performante au niveau microscopique et universel. Les grandes questions qui pourraient être mieux comprises seraient en rapport avec l’origine et l’évolution de l’univers, la recherche de vie dans d’autres endroits de l’univers et la capacité de l’Homme à visiter d’autres endroits du système solaire plus éloignés et plus hostiles que la lune.

Propos recueillis par Safaa KSAANI

Encadré
Sciences : Les femmes ont leur mot à dire

A la Faculté des sciences Semlalia de Marrakech, jeudi 18 avril 2024 dernier, le Réseau Africain des Femmes en Astronomie (AfNWA) et le Programme International de Sciences (ISP) de l’Université d’Uppsala en Suède ont honoré Pr Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, professeur à l’Université Hassan II de Casablanca, Faculté des Sciences Aïn Chock, et Présidente fondatrice de la Fondation « Attarik » pour les Météorites et les Sciences Planétaires, par la remise du Prix AfNWA-ISP Senior pour les femmes en astronomie en Afrique, décerné par le Réseau Africain des Femmes en Astronomie.

« Cette distinction prestigieuse témoigne de l’engagement exceptionnel du Pr Hasnaa Chennaoui Aoudjehane dans le domaine de la planétologie et l’astronomie et de son dévouement à l’avancement des femmes dans ce domaine en Afrique », se félicite la Fondation Attarik dans un communiqué de presse.

En tant que première femme diplômée en météorites au Maroc et dans les pays arabes, le Pr Hasnaa Chennaoui Aoudjehane est aussi Présidente et initiatrice de la Fondation Attarik pour les Météorites et les Sciences Planétaires, ainsi que l’Expo-Musée « Météorites : Messagères du Ciel », témoignant de son engagement à promouvoir la recherche scientifique et la culture astronomique au Maroc et au-delà. Sa contribution remarquable dans l’étude et la classification des météorites, ainsi que son rôle de mentor auprès de nombreux doctorants, ont été salués par plusieurs Prix et distinctions, dont sa nomination au Comité de Nomenclature de la Meteoritical Society en 2005 et sa participation au Conseil de la Meteoritical Society en 2010.

Le nom « Chennaoui » a été donné à un astéroïde en reconnaissance à son engagement et ses travaux. Le Pr Hasnaa Chennaoui Aoudjehane incarne l’excellence scientifique et l’engagement pour l’avancement de la science en Afrique. Sa reconnaissance par le Réseau Africain des Femmes en Astronomie et le Programme International de Science témoigne de l’importance de son travail pour la communauté scientifique mondiale.

Le « Senior Award » témoigne de la reconnaissance de ses réalisations remarquables dans les sciences de l’espace, ainsi que de son impact significatif sur la communauté scientifique africaine et internationale.

Le Réseau Africain des Femmes en Astronomie (AfNWA) et le Programme International de Science (ISP) de l’Université d’Uppsala en Suède se félicitent de cette opportunité de reconnaître et de célébrer les réalisations exceptionnelles du Professeur Hasnaa Chennaoui Aoudjehane et sa contribution remarquable à l’avancement de l’astronomie en Afrique.

Cette distinction intervient à l’occasion de la conférence annuelle de l’Association Africaine d’Astronomie (AfAS 2024) organisée au Maroc à l’université Cadi Ayad de Marrakech, marquant ainsi un moment historique dans le développement de l’astronomie sur le continent. L’organisation de cet événement majeur témoigne de la reconnaissance de l’expertise, du leadership et de l’engagement du Maroc dans le domaine de l’astronomie et de l’astrophysique sur le plan continental et international, conclut-on.