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Interview avec Aomar Ibourk : L’inclusion financière, facteur déterminant pour l’entrepreneuriat en Afrique

Interview avec Aomar Ibourk : L’inclusion financière, facteur déterminant pour l’entrepreneuriat en Afrique

​C’est un document inédit que vient d’éditer Aomar Ibourk, Economiste et Senior Fellow au Policy Center New South sur l’importance de l’inclusion financière dans l’entrepreneuriat sur le continent. Une mine d’informations pour les jeunes porteurs de projets car il s’agit d’un processus cognitif et émotionnel où l’attitude envers l’action, les normes subjectives et le contrôle comportemental perçu jouent un rôle crucial. Explications avec l’auteur.

Vous venez de publier un rapport intitulé : « Autonomiser les entrepreneurs africains : le rôle crucial de l’inclusion financière dans la médiation de la relation entre les facteurs contextuels et la volonté entrepreneuriale ». Grosso modo, quels sont les objectifs recherchés à travers ce rapport ?
L’opportunité et la volonté sont deux concepts fondamentaux dans le processus d’engagement entrepreneurial. Un entrepreneur se définit par la conjugaison de la volonté et de l’opportunité de franchir le seuil vers ce statut professionnel. L’absence de volonté (motivation) ou d’opportunité (capacité et/ou capital) empêche l’individu de devenir entrepreneur.

La volonté d’entreprendre est influencée par des caractéristiques individuelles (tels que le genre et l’âge), économiques (comme le niveau de revenu et le taux de chômage) et sociales (religion, classe sociale et éducation). Selon la théorie du comportement planifié, l’engagement dans l’entrepreneuriat est le fruit d’un processus cognitif et émotionnel où l’attitude envers l’action, les normes subjectives et le contrôle comportemental perçu jouent un rôle crucial.

Ce dernier aspect est d’autant plus important qu’il dénote les contraintes (capacités limitées, temps restreint, environnement, etc.) impactant l’intention d’agir de l’individu.   Notre article récemment publié, « Autonomiser les entrepreneurs africains : le rôle crucial de l’inclusion financière dans la médiation de la relation entre les facteurs contextuels et la volonté entrepreneuriale », vise principalement à éclairer l’importance de l’inclusion financière comme un facteur déterminant pour l’entrepreneuriat en Afrique.

Vous parlez de facteurs contextuels et de volonté entrepreneuriale. Est-ce que les jeunes entrepreneurs africains sont suffisamment outillés pour y faire face ?

En ce qui concerne la capacité des jeunes entrepreneurs africains à affronter les défis contextuels tout en conservant la volonté d’entreprendre, il apparaît que le continent africain, riche en potentialités entrepreneuriales, a connu une croissance économique remarquable au début du XXIe siècle. La vigueur démographique et le dynamisme économique de l’Afrique créent un environnement fertile pour l’entrepreneuriat.

Cependant, l’essence du soutien aux jeunes entrepreneurs africains repose principalement sur les politiques et les initiatives mises en place pour favoriser leur émergence et leur développement. Des programmes significatifs, tels que le Plan d’action africain pour l’autonomisation des jeunes 2019-2023 de l’Union africaine et l’initiative « Boost Africa », fruit de la collaboration entre la Banque africaine de développement et la Banque européenne d’investissement, témoignent de cet engagement à les soutenir.

Malgré ces efforts, les résultats sont mitigés. Selon l’Indice mondial de l’entrepreneuriat, à quelques exceptions près telles que le Botswana, la plupart des pays africains se classent au-delà de la 68ème position, une place occupée par le Maroc. Des pays comme le Malawi, la Mauritanie, le Burundi, Madagascar, et le Tchad figurent parmi les moins performants. Cette situation met en évidence les défis persistants auxquels les jeunes entrepreneurs doivent faire face, malgré la présence de programmes de soutien.

Dans quel cadre l’inclusion financière peut-elle médiatiser les facteurs contextuels et la relation entrepreneuriale sur le continent ?

L’inclusion financière, par la facilitation de l’accès au financement, joue un rôle prépondérant dans la transformation des facteurs contextuels défavorables et la stimulation de la dynamique entrepreneuriale en Afrique. En s’appuyant sur la vision de Schumpeter (1935), qui soulignait l’importance des intermédiaires financiers dans le développement économique par la canalisation de l’épargne vers l’investissement, notre étude met en lumière le rôle catalyseur de l’inclusion financière dans l’écosystème entrepreneurial africain. Ces intermédiaires ne se limitent pas à fournir des fonds mais évaluent également les projets, gèrent les risques et minimisent les coûts, facilitant ainsi l’innovation technologique et la croissance économique.

Nous concluons que l’inclusion financière peut effectivement transformer le paysage entrepreneurial africain. Elle doit, pour cela, proposer des services financiers adaptés et accessibles, en particulier pour les populations les plus éloignées du système financier traditionnel. Ces services sur mesure sont essentiels pour libérer le potentiel entrepreneurial, surtout dans les régions les plus défavorisées et isolées, contribuant ainsi au développement économique global du continent.

Vous soulignez que la simple amélioration de l’environnement institutionnel et commercial ne suffit pas. Que faut-il entendre par-là ?

Améliorer uniquement l’environnement institutionnel et commercial en Afrique ne suffit pas pour stimuler de manière effective l’entrepreneuriat. Bien que des politiques et des programmes significatifs, comme le Plan d’action africain pour l’autonomisation des jeunes 2019-2023 (APAYE) de l’Union africaine et l’initiative « Boost Africa » de la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI), aient été mis en œuvre, ces efforts, quoique louables, ne répondent pas intégralement aux besoins des entrepreneurs africains. 

Par exemple, bien que le temps nécessaire pour démarrer une entreprise en Afrique ait été réduit de manière significative, passant à une moyenne de 21,5 jours, il reste le plus long au monde. De même, les coûts associés à la création d’entreprise sont parmi les plus élevés à l’échelle mondiale, dépassant ceux de régions développées comme l’Amérique du Nord et l’Europe.

En résumé, promouvoir efficacement l’entrepreneuriat en Afrique nécessite une stratégie intégrée qui embrasse à la fois les facteurs individuels et contextuels, créant ainsi un écosystème entrepreneurial dynamique et résilient. Cette approche globale est indispensable pour transformer les potentiels en succès tangibles et soutenir la croissance économique sur le continent. Lire l’intégralité de l’interview sur lopinion.ma

Bon à savoir
Professeur de méthodes quantitatives et d’économie sociale à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, économiste et Senior Fellow au Policy Center New South (PCNS), Aomar Ibourk s’intéresse essentiellement à l’économétrie appliquée, au marché du travail, à l’économie de l’éducation et à l’économie du développement. Il est également directeur du GRES (Groupement de recherches économiques et sociales) à l’Université Cadi Ayyad. Ses recherches portent sur les méthodes économétriques appliquées aux sciences sociales (économie du travail, économie de l’éducation et développement). Il a réalisé une thèse intitulée : « Contributions à l’économétrie du processus d’appariement sur le marché du travail : Approches macro et micro-économétriques au marché du travail marocain ». Quant au Policy Center for the New South (PCNS), il s’agit d’un groupe de réflexion marocain visant à contribuer à l’amélioration des politiques publiques économiques et sociales qui remettent en question le Maroc et le reste de l’Afrique en tant que parties intégrantes du Sud global. Il plaide pour un « nouveau Sud » ouvert, responsable et entreprenant qui définit ses propres récits et cartes mentales autour des bassins méditerranéens et de l’Atlantique Sud, dans le cadre d’une relation tournée vers l’avenir avec le reste du monde.