Le pianiste, habitué du festival souiri « Les Andalousies atlantiques », a rendu l’âme à 95 ans en Israël le 25 mars. L’amoureux de Mogador est considéré comme l’inventeur du « pianoriental », cocktail musical hybride, entre touches arabo-andalouses, swing et rythmes latinos. Une recette qu’il élabore, adolescent, au contact des soldats américains débarqués pendant la Seconde Guerre mondiale à Oran, ville où il était né en 1928, au sein de la communauté juive. Il avait pour oncle Saoud El Médioni, célèbre musicien connu sous le nom de Saoud l’Oranais. Maurice El Médioni aura honoré son genre musical jusqu’à un âge avancé. « J’étais fasciné, j’avais pu l’entendre jouer quand il avait déjà 83 ans et il n’y avait pas une faute dans son jeu », a raconté jeudi à l’AFP Denis Cuniot, musicien français, lui-même pianiste, qui avait croisé son aîné lors de l’enregistrement de l’album « Oran-Oran ». Le pianiste ne cessait de répéter dans ses dernières interviews qu’il rêvait de « retrouver une fraternité entre Juifs et Arabes ». Il a touché cet idéal du doigt au sein du collectif El Gusto, ensemble de musiciens vétérans juifs et musulmans d’Algérie, enfin réunis après avoir été séparés par les tourments de l’histoire. Un documentaire sorti en 2012, réalisé par Safinez Bousbia, retrace le parcours de ce collectif, parfois un peu vite comparé au Buena Vista Social Club.
Musique arabo-andalouse et séfarade
Maurice El Médioni s’était installé à la fin de sa vie en Israël, après une première tentative ratée en 1961. « L’Algérie était à feu et à sang. J’avais peur pour mes enfants et moi-même. Je ne voulais pas aller en France, car nous redoutions que n’y éclate une guerre civile. Mais je n’ai pas pu m’acclimater alors en Israël », livrait-il au journal français Le Monde. En 1962, il était arrivé à Paris, mais, rebuté par le climat, avait choisi ensuite Marseille dès 1967. « Je voulais me rapprocher de mon climat méditerranéen. J’ai ouvert un commerce de vêtements masculins avec mon frère aîné sur la Canebière », narrait-il encore dans le quotidien. Tailleur était son métier de formation, qu’il aura régulièrement exercé au long de sa vie en parallèle du piano, débuté à 9 ans.
Il deviendra l’un des interprètes et représentants les plus importants de la musique arabo-andalouse et séfarade. Il a joué avec des artistes comme Lili Labassi, Line Monty, Lili Boniche, Samy Elmaghribi ou encore Reinette l’Oranaise. Amateur de jazz, Maurice El Médioni s’intéressera également au boogie-woogie et à la musique latine et deviendra donc l’inventeur du style « pianoriental » (fusion de jazz et de rumba transposant le quart de ton du oud arabe sur le clavier occidental, pour le mâtiner de jazz, de boogie-woogie et de tempos latinos). Il a accompagné régulièrement le multi-instrumentiste et pédagogue algérien Fouad Didi lors de concerts de musique arabo-andalouse.