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Centre de recherches Tafra : Le droit d’accès à l’information a encore du chemin à faire [INTÉGRAL]

Centre de recherches Tafra : Le droit d’accès à l’information a encore du chemin à faire  [INTÉGRAL]

Malgré des avancées notables, la mise en œuvre de la loi relative au droit d’accès à l’information demeure inachevée. C’est ce que relève le centre de recherches Tafra en examinant la publication proactive de données et d’informations au niveau des collectivités territoriales.

Quatre ans après son entrée en vigueur, où en est la loi 31-13 relative au droit d’accès à l’information ? Le centre de recherches Tafra en examine un pan en traçant l’évolution, au cours des quatre dernières années, de la tendance de la publication proactive de données et d’informations par les 81 communes de plus de 50.000 habitants. Fait inédit, la troisième édition de son rapport dresse également un état des lieux de la publication proactive des données par les régions, les provinces et les préfectures en 2023. En vertu de cette loi, et du fait de leur proximité avec les citoyens, les collectivités territoriales sont soumises à une obligation d’ouverture et de transparence. Elles sont ainsi tenues par la loi de publier de manière proactive des informations de base sur leur fonctionnement, leurs finances et sur les services dont elles sont responsables.

 

Les avancées des communes  
Grâce à son nouvel indicateur «SMIIG DATA des collectivités territoriales», Tafra mesure le degré de conformité au droit d’accès à l’information, sur la base des textes de loi, des engagements internationaux du Royaume, ainsi que les recommandations et les meilleures pratiques en la matière. L’audit mené par le centre de recherches relève une évolution positive pour les communes de plus de 50.000 habitants : le rapport mentionne ainsi un nombre croissant de municipalités publiant activement leurs informations et répondant de plus en plus aux critères d’ouverture des données. “Cela s’est concrétisé par une amélioration significative du score moyen SMIIG DATA, passant de 32 à 54 points sur 100 entre 2020 et 2023”, précise Zineb Bouzar, cheffe de projet au sein de Tafra. Concrètement, le nombre de communes disposant d’un site web est passé de 37 à 63, permettant une augmentation de la quantité de données mises en ligne par ces communes. 

 

Le retard des régions, des provinces et des préfectures 
De leur côté, les régions, les provinces et les préfectures ont montré une cadence relativement faible en matière de publication proactive. Parmi les douze régions, seule celle de Béni Mellal-Khénifra a obtenu une note supérieure à la moyenne (57/100). La même tendance est observée pour les provinces et préfectures : 19 sur 75 disposent d’un site web. Parmi elles, la province de Séfrou est la seule à atteindre un score au-dessus de la moyenne, avec 60/100. Comment expliquer alors une telle disparité ? “Il existe un manque de sensibilisation quant à l’importance et à la valeur stratégique de l’ouverture et de la publication des données pour le développement régional. De plus, il existe peut-être une culture administrative au sein des institutions régionales qui relègue la publication des données au second plan par rapport à d’autres missions et responsabilités”, analyse Zineb Bouzar, par ailleurs doctorante à l’Université Mohammed V de Rabat. 

 

Un droit encore inaccessible  
Cette analyse fait écho au droit d’accès à l’information au niveau local, dont la mise en œuvre reste tributaire, selon Tafra, “des moyens humains et techniques dont disposent les collectivités territoriales et de la prise de conscience par les élus de l’importance de ce droit”.

Alors que le nombre des collectivités territoriales avoisine désormais les 1600, la mobilisation des moyens et le suivi de la mise en œuvre de ce droit demeurent difficiles. A l’échelle nationale, le bilan est lui aussi peu reluisant. Car, malgré plusieurs avancées, le centre de recherches appelle à plus d’efforts pour renforcer ce droit, tant du côté de l’administration publique que des citoyens. “Du côté de l’administration, il existe d’importantes disparités dans la mise en œuvre de cette pratique entre les différentes administrations publiques. Cela dépend souvent du degré de compréhension et d’engagement des responsables de chaque administration envers l’esprit de la loi. Du côté des citoyens, il est important d’accroître la sensibilisation des citoyens sur l’importance et l’utilité de l’information publique pour garantir leur participation active à la vie publique”.

 

 

​3 questions à Zineb Bouzar : « Il est impératif que chaque collectivité mette en place un site web officiel dédié à la publication de données pertinentes »
Quel bilan faites-vous de la publication proactive des données et informations par les collectivités territoriales ? – Le bilan présente une disparité marquée entre les communes, d’une part, et les régions, provinces et préfectures, d’autre part. Les communes comptant plus de 50.000 habitants ont réalisé des avancées notables au cours des quatre dernières années, ce qui s’est concrétisé par une amélioration significative du score moyen SMIIG DATA de ces communes. En revanche, le bilan des régions, provinces et préfectures est moins satisfaisant, malgré leur importance stratégique dans le cadre de la régionalisation avancée.
  Que manque-t-il aux collectivités territoriales pour se conformer à la loi ? – Il est impératif que chaque collectivité mette en place un site web officiel dédié à la publication de données pertinentes, garantissant ainsi un accès transparent et direct aux informations. Il est aussi important de poursuivre l’initiative “Données ouvertes” de la DGCT afin d’assurer un accès équitable des citoyens aux données des différentes collectivités. Sensibiliser les élus et les fonctionnaires aux avantages de la publication proactive des données est également essentiel, tout comme le renforcement des capacités des collectivités en matière de gestion documentaire. Enfin, il est recommandé de promouvoir la publication de données dans un format ouvert afin de permettre leur utilisation et de favoriser le rapprochement entre les élus et les citoyens.
  Quatre ans après son entrée en vigueur, quels résultats pour la loi relative au droit d’accès à l’information ?
– Malgré plusieurs avancées, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour renforcer ce droit fondamental, tant du côté de l’administration publique que du côté des citoyens. Du côté de l’administration, la publication proactive des informations doit s’inscrire au cœur de sa mission. Cependant, il est constaté aujourd’hui qu’il existe d’importantes disparités dans la mise en œuvre de cette pratique entre les différentes administrations publiques. Cela dépend souvent du degré de compréhension et d’engagement des responsables de chaque administration envers l’esprit de la loi.

Révision : Vers une refonte de la loi ?
Le 18 décembre 2023, la commission du droit d’accès à l’information et le ministère de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration sont parvenus à un consensus sur la mise en place d’une méthodologie et d’un plan d’action pour la révision de la loi relative au droit d’accès à l’information en y associant les acteurs institutionnels concernés et les représentants de la société civile. A l’origine de cette démarche, une délibération publiée en mars 2023 et soumise au Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, sur la révision de la loi n°31.13 relative au droit d’accès à l’information comprenant un ensemble de propositions qui constituent une base pour la révision de cette loi, étant donné que la qualité de loi est une condition essentielle pour en garantir l’exercice. L’institution, présidée par Omar Seghrouchni, ambitionne ainsi d’amender la loi et la renforcer plus de quatre ans après son entrée en vigueur pour “contribuer à la transparence dans la gestion de la chose publique et la lutte contre la corruption”.

Notion : SMIIG DATA, c’est quoi ?
L’indicateur SMIIG-DATA pour les collectivités territoriales développé par le centre de recherche Tafra résume, en un score compris entre 0 et 100, la performance d’une collectivité en matière de respect des obligations légales et des bonnes pratiques liées à la publication proactive d’informations. Cet indicateur est fondé sur le référentiel normatif régissant le droit d’accès à l’information au Maroc avec, principalement, l’article 27 de la Constitution de 2011, la loi 31.13 régissant le droit d’accès à l’information ainsi que les lois organiques relatives aux communes, aux provinces et préfectures et aux régions.

Ce référentiel inclut également les engagements internationaux pris par le Maroc ainsi que des recommandations des instances internationales (Banque Mondiale, Fond Monétaire International (FMI), l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE)). Jusque-là réservé aux communes dépassant les 50.000 habitants, l’indicateur a été élargi, à l’occasion de la troisième édition du rapport de Tafra, pour inclure l’ensemble des collectivités territoriales, en l’occurrence les régions, les provinces et les préfectures. Grâce aux textes de loi, les engagements du Royaume à l’international et les meilleures pratiques en la matière, cet indicateur mesure le degré de conformité au droit d’accès à l’information.