« Les banques centrales voient aujourd’hui leur indépendance remise en question de toutes parts. Les demandes de baisse des taux se font de plus en plus insistantes, même s’il est trop tôt pour passer à l’action, et elles devraient aller en s’intensifiant puisque la moitié de la population mondiale se rend aux urnes cette année », constate-t-elle dans une note publiée récemment.
Un ingrédient essentiel pour remporter la bataille contre l’inflation
Persuadée que la vague d’élections qui se profile cette année risque de mettre les décideurs sous pression, la DG du FMI appelle « les pouvoirs publics et les banques centrales à résister à ces pressions » estimant que l’indépendance est un ingrédient essentiel pour remporter la bataille contre l’inflation et stabiliser la croissance à long terme.
« Les banques centrales ont accompli ces dernières années grâce à leur indépendance. Elles ont habilement négocié la pandémie en menant un assouplissement monétaire énergique qui a contribué à éviter un effondrement du système financier mondial et à accélérer la reprise », fait-elle remarquer.
En outre, poursuit-elle, « lorsque la priorité s’est recentrée sur le rétablissement de la stabilité des prix, elles ont resserré leur politique monétaire à bon escient, même si elles ne l’ont pas toutes fait dans les mêmes délais. Leur riposte a permis de maintenir les anticipations d’inflation bien ancrées dans la plupart des pays, malgré des hausses de prix jamais vues depuis plusieurs dizaines d’années ».
Pour la DG, il ne fait aucun doute que les banques centrales des pays émergents ont montré la voie en durcissant leur politique monétaire rapidement et vigoureusement, ce qui a assis leur crédibilité.
Il faut dire que « ces mesures ont ramené l’inflation à des niveaux beaucoup plus raisonnables et réduit les risques d’atterrissage brusqué » et que quand bien même le combat n’est pas encore gagné, « leur efficacité jusqu’ici tient en grande partie à l’indépendance et la crédibilité que de nombreuses banques centrales ont acquises ces dernières décennies ».
Il est une évidence que la façon dont elles ont su juguler l’inflation contraste nettement avec l’instabilité économique qui avait caractérisé la période de forte inflation des années 70, fait-elle remarquer dans sa note.
Pour ceux qui l’auraient oublié, « à l’époque, leur mandat ne prévoyait pas explicitement qu’elles devaient donner la priorité à la stabilité des prix, pas plus qu’il n’existait pas de lois claires protégeant leur autonomie, si bien qu’elles ont souvent été poussées par les dirigeants politiques à baisser les taux d’intérêt en période de forte inflation », se souvient Kristalina Georgieva notant que ce n’est qu’au milieu des années 80, quand les banques centrales ont reçu le soutien politique nécessaire pour prendre des mesures agressives, qu’elles ont réussi à réduire l’inflation.
Comme pour souligner les bienfaits de l’indépendance des banques centrales, la DG indique qu’une étude du FMI portant sur plusieurs dizaines de banques centrales sur la période comprise entre 2007 et 2021 a montré que celles présentant un haut niveau d’indépendance ont mieux réussi à maîtriser les anticipations d’inflation de leur population, ce qui aide à contenir l’inflation à un bas niveau.
Une autre étude du FMI répertoriant les résultats de 17 banques centrales d’Amérique latine au cours des 100 dernières années examine différents facteurs, parmi lesquels l’indépendance dans les prises de décisions, la clarté du mandat et la possibilité qu’elles soient contraintes à consentir des prêts à l’Etat. Là encore, il s’avère qu’un plus grand degré d’indépendance est associé à de bien meilleurs résultats sur le plan de l’inflation.
Alain Bouithy