Le site spécialiste de la data et de la mode TagWalk indique que la part de looks transparents a augmenté de 40% dans le top 20 des marques les plus influentes entre 2023 et 2024.
Prada vend comme du petit pain une jupe fine comme du papier à cigarette, Givenchy a imaginé du haut en blanc littéralement diaphane et Rabanne du pantalon de dentelle serti, quand Ludovic de Saint Sernin dit faire de la transparence sa « signature », avec une robe dos nu qui ne laisse pas beaucoup de place au mystère.
A Paris, où s’est tenue la Fashion Week féminine automne-hiver 2024/2025, le musée Yves Saint Laurent présente jusqu’au 25 août une exposition « Transparences, le pouvoir des matières » chez le couturier, qui en avait fait un leitmotiv.
L’actuel directeur artistique de la marque, Anthony Vaccarello, a présenté mardi dernier une collection entièrement sur ce thème, réalisée en voile de soie, comme la matière des collants, pour un rendu très sensuel qui n’a pas plu à tout le monde.
« Trop de seins », s’est emportée la rédactrice mode du New York Times Vanessa Friedman, qui s’est amusée à compter « seulement 12 looks sur 48 » sans téton apparent sous le vêtement, soulignant avec humour que les photos du défilé sont impubliables dans son « journal familial ».
En 1968, la première chemise en soie translucide d’YSL, qui sera baptisée la « see-through blouse », lui avait valu déjà les foudres de l’Amérique puritaine », rappelle à l’AFP sa biographe, Laurence Benaïm, commissaire de l’exposition « La traversée des apparences » au Centre Pompidou, à Paris.
Et, en 2000, la robe transparente de Jennifer Lopez aux Grammy Awards – un look qui avait affolé les internautes et parmi eux pas que des fashionistas– avait poussé Google à lancer son outil de recherche devenu « Google Images ».
« A ce moment du XXIe siècle, cette transparence-là est simplement la plus banale des provocations misogynes », pourfend aujourd’hui Mme Friedman, dénonçant dans cette « pseudo-tendance » une volonté « d’objectification » de la femme.
Mais ce goût de se montrer, macro tendance du début du siècle bien au-delà de la mode, relève pour d’autres d’une suite logique au mouvement « body positive » de libération du corps des femmes.
Historiquement, « la transparence a signifié la liberté », rappelle l’écrivaine Laurence Benaïm.
Une liberté qui s’arrête parfois là où commence le Code pénal. A Paris, cette semaine, l’Australienne Bianca Censori – que la presse suppose être sous l’emprise de son mari, le rappeur Kayne West, qui lui ferait porter des tenues transparentes – est de nouveau apparue dans un ensemble laissant voir son anatomie: un collant transparent sans sous-vêtements.
« Il y a une différence entre un défilé dans un espace privé où le public est présent et sait à quoi s’attendre, et la question de porter (ces pièces) dans l’espace public », où le délit d’exhibition sexuelle, anciennement appelé « outrage à la pudeur », est passible d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende, rappelle Me Avi Bitton, avocat pénaliste.
Comment alors porter cette tendance sans pour autant finir en prison ?
« Ça dépend de votre quotidien, mais même l’option culotte apparente, pour une majorité de personnes, n’est pas une option », vient rappeler la styliste collaborant avec le magazine Cosmopolitan Clémence Guillerm.
« Pour aborder la transparence dans un look portable, on peut commencer par une jupe, le plus simple. Avec par exemple une jupe crayon ou midi qui arrive aux genoux et une doublure courte ou une autre petite jupe en-dessous », suggère l’experte en style.
« Pour le haut, on peut imaginer un body opaque, peut-être chair, et un haut transparent, avec un blazer pour ceux et celles qui n’osent pas encore », conseille aussi Clémence Guillerm.