Dans un contexte de stress hydrique inquiétant, la consommation d’eau potable ne fait qu’augmenter, mettant en lumière les défis persistants en matière d’approvisionnement de la demande nationale en cette denrée précieuse mais rare. C’est le constat fait, vendredi, par les experts en matière d’eau à l’occasion du lancement, par le ministère de l’Équipement et de l’Eau, d’une vaste campagne de sensibilisation à la préservation de l’eau. Détails.
Intervenant à l’ouverture d’un séminaire organisé sous le thème « Gestion de la sécheresse dans un contexte de changement climatique : défis et solutions », le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a souligné que la nouvelle politique de l’eau adoptée a connu un tournant décisif suite au discours Royal du 14 octobre.
Tout l’enjeu pour le ministère de tutelle était de réussir la diversification de l’offre de l’eau à travers l’accélération de la réalisation des ouvrages de mobilisation des eaux conventionnelles et non conventionnelles, mais aussi la gestion de cette denrée.
Dès lors, notre pays est passé de la construction des barrages pour des besoins locaux à la mise en place de réseau de barrages et de bassins, avec la mobilisation des eaux non-conventionnelles. Le Plan d’action adopté par le ministère vise également la préservation et l’alimentation des nappes souterraines à travers une gestion intégrée de l’eau.
Ainsi, grâce aux stations de dessalement mises en place, le Maroc veut atteindre un niveau de production d’eau estimé à 1,4 milliard de m3 à l’horizon de 2030.
“Aujourd’hui, on est autour de 179 millions m3”, a annoncé le ministre. Cependant, les efforts gouvernementaux ne pourront pas porter leurs fruits, sans l’engagement des citoyens.
Selon Nizar Baraka, le phénomène de la sécheresse est devenu structurel et sa gestion est devenue de plus en plus mitigée, nécessitant une bonne gouvernance, dans le cadre d’une stratégie de l’eau qui unit tous les acteurs et les usagers au niveau national, régional et local. D’où la mise en place de la campagne de communication initiée par le département de Nizar Baraka pour sensibiliser les citoyens à la rationalisation de l’eau.
“Cette campagne qui concerne toutes les couches de la société, jeunes, moins jeunes et selon leur niveau d’éducation permettra aux citoyens d’appréhender la situation hydrique actuelle, tout en leur inculquant les bons gestes d’économie de cette matière vitale”, a souligné Nizar Baraka devant un public large qui a pris part à cet événement.
En outre, une plateforme a été lancée : “Maa dyana”, servant à l’accompagnement des réalisations par des messages de sensibilisation et de communication sur l’état des ressources en eau et sur les gestes responsables à adopter dans cette situation difficile.
Appui à l’innovation
Intervenant à l’occasion du lancement de cette campagne de sensibilisation qui coïncide avec la Journée mondiale de l’Eau, l’ambassadeur de France au Maroc, Christophe Lecourtier, a souligné que la France continuera d’appuyer les politiques sectorielles du Maroc, notamment en matière d’eau.
Il a rappelé, à cet égard, l’engagement « très conséquent » de l’Agence française pour le développement (AFD) depuis 30 ans au Maroc avec un milliard d’euros en appui aux politiques publiques visant à améliorer l’accès à l’eau potable.
Le diplomate français a, en outre, appelé à mobiliser les universités et centres de recherche pour inventer les technologies de demain en vue de gérer les ressources hydriques, soulignant également l’importance de développer l’offre de l’eau et de bien gérer ses usages.
Dans le même sillage, Lecourtier a annoncé que l’Institut français au Maroc lancera prochainement un appel à projet pour l’accompagnement des projets innovants en matière de gestion de l’eau.
L’agriculture à l’heure de la sécheresse
Connue pour ses besoins énormes en matière d’eau, l’agriculture marocaine s’adapte également au stress hydrique qui sévit ces dernières années dans notre pays. Selon Zakaria El Yacoubi, Chef de Division, direction de l’Irrigation et de l’Aménagement de l’espace agricole au sein du ministère de l’Agriculture, les espaces irrigués ont connu une baisse importante.
En effet, malgré les précipitations enregistrées, les superficies cultivées affichent une baisse importante. En bilan, la superficie de culture d’automne tourne autour de 2,8 millions d’hectares avec 2,3 en céréales, soit la moitié de la superficie cultivée durant une année normale, ajoute le responsable.
Dans le détail, les grands périmètres irrigués qui sont alimentés à partir des barrages subissent des restrictions sévères, à l’exception de deux périmètres seulement.
La petite agriculture (PMH) qui est essentiellement irriguée à partir des sources subit également les aléas du changement climatique. “La baisse constatée au niveau des débits des sources a entrainé une baisse de plus de 50% des ressources mobilisés dans ces zones qui couvrent 25% de notre patrimoine irrigué”, souligne Zakaria El Yacoubi.
Quant à l’irrigation privée à partir des nappes, des arrêts partiels ou totaux sont imposés dans plusieurs zones. Ces restrictions n’ont pas, par ailleurs, affecté l’approvisionnement du marché national en matière de produits de base, rassure-t-il.
Dans ce contexte, le ministère de l’Agriculture joint ses efforts à ceux du ministère de l’Eau en vue de concilier une souveraineté alimentaire solide et renouvelée et une disponibilité hydrique soumise à des aléas.
La tutelle s’appuie, dans ce sens, sur la modernisation des infrastructures agricoles dans le cadre de la stratégie génération Green, ainsi que le renforcement de l’offre hydrique à travers la consolidation des programmes des interconnexions entre les bassins. Dans un futur proche, le ministère va devoir miser également sur le dessalement de l’eau pour l’agriculture, après la réalisation de plusieurs stations de dessalement dédiées à cet effet.
Outre cela, les efforts déployés à ce jour ont permis la mobilisation des eaux non-conventionnelles à travers la réalisation de 15 stations de dessalement de l’eau de mer et 158 stations de traitement des eaux usées.
Ces infrastructures permettent la généralisation de l’approvisionnement en eau potable, l’accompagnement du développement économique touristique du pays, l’irrigation de plus de 2 millions d’hectares et la production hydroélectrique avec une puissance installée de plus de 1770 millions de GW.