Dans un surprenant communiqué laconique, la présidence de la république algérienne annonce l’organisation d’une élection présidentielle anticipée, le 07 septembre prochain, réduisant de trois mois l’actuel mandat du président Tebboune.
L’idée d’écourter le mandat de l’actuel locataire du palais d’El-Mouradia ne pouvait effleurer l’esprit du plus averti des observateurs de la vie politique algérienne. La veille de l’annonce de cette décision, des laudateurs, professionnels de la flagornerie, ont commencé à lancer des appels à Tebboune pour briguer un second mandat. Comme si la décision lui appartenait.
La veille, également, le président Tebboune recevait au palais présidentiel, une délégation du Conseil de la Renaissance de l’Economie Algérienne, qui n’est autre que l’organisation patronale, et les présidents de deux chefs de partis politiques, sans ancrage aucun, dans la société et dont le rôle se limite à soutenir le président tant qu’il bénéficie des faveurs des militaires. La veille, aussi, Un nombre restreint de militaire, ceux qu’on désigne du vocable de « décideurs de l’ombre », s’est réuni, en conclave, pour étudier les voies et moyens, pour barrer la route du deuxième mandat à Abdelmadjid Tebboune. L’information a été donnée par votre serviteur, dans le soir même, sur sa chaîne YouTube.
Un fait sans précédent. Les précédentes démissions des présidents algériens se faisaient soit par une annonce solennelle faite par le président himself, soit par un communiqué de presse annonçant la remise par le président de la république de sa démission au président du conseil constitutionnel (le cas de Chadli Bendjedid en 1992 et d’Abdelaziz Bouteflika en 2019) soit dans une allocution télévisée impromptue annonçant la décision d’écourter le mandat (le cas de Liamine Zeroual en septembre 1998).
Ainsi, l’on constate que sur les six présidents élus, qui se sont succédé à la tête de l’Etat algérien depuis l’indépendance en 1962, quatre ont été démissionnaires ou plutôt contraints à la démission par les décideurs de l’ombre.
Le deuxième président élu à avoir démissionné est le général Lamine Zeroual. Rappelé de sa retraite qu’il écoulait paisiblement dans sa ville natale, Batna, dans les Aurès, il est, d’abord, nommé ministre de la défense nationale le 10 juillet 1993. Six mois plus tard, il est désigné le 30 janvier 1994, président de l’Etat pour une durée de trois ans. Sans élections. Il écourta son mandat de président de l’Etat en appelant à l’organisation du premier scrutin pluraliste en Algérie. « Les décideurs de l’ombre » le poussent, à la dernière minute, à se porter candidat pour cette présidentielle qui s’est tenue le 16 novembre 1996. Il remporte le scrutin dès le premier tour avec un score de 61,3% des voix. Le plus faible de toutes les joutes électorales présidentielles en Algérie.
Ne supportant plus les manigances des généraux du « cabinet noir » et leurs pressions dans le but de limiter ses prérogatives, Liamine Zeroual annonce, au cours d’une allocution présidentielle, l’organisation d’une présidentielle anticipée.
Abdelaziz Bouteflika, successeur de Liamine Zeroual, résista à toutes les pressions et finit par faire voler en éclats le cabinet noir. Il s’entoure d’une nouvelle équipe de généraux dont le général Ahmed Gaïd Salah, à qui il fera porter la double casquette. Celle de chef d’Etat-major de l’armée et celle de vice-ministre de la défense nationale. Il lui donne tous les pouvoirs sur l’armée. Et c’est ce militaire qui jurait loyauté et fidélité à Bouteflika durant une bonne quinzaine d’années qui ira, dans la soirée du 2 avril 2019, à la résidence présidentielle de Zéralda, accompagné du président du conseil constitutionnel, l’obliger à démissionner avant d’envoyer son frère cadet Saïd Bouteflika à la prison militaire.
Abdelaziz Bouteflika, n’échappa pas à la règle des coups d’Etat militaires à l’algérienne : la démission. Il en sera de même pour son successeur, Abdelmadjid Tebboune, malgré sa docilité face aux militaires.
Assumant son coup d’Etat qu’il qualifia de « redressement révolutionnaire », Houari Boumediene dissout l’assemblée nationale, gèle les activités du parti du Front de Libération Nationale, le transformant en appareil du parti, sans aucun pouvoir et sans aucune influence sur les décisions politiques. Il gèle, également la constitution en décrétant « la légitimité révolutionnaire » en remplacement de « la légitimité constitutionnelle ». Un conseil de la révolution constitué de 28 officiers issus des rangs de l’Armée de Libération Nationale, sous la présidence de Houari Boumediene, dirigera en toute collégialité les affaires du pays. Il fallait attendre le 10 décembre 1976 pour que soit élu Houari Boumediene au suffrage universel, président de la république. Il décèdera, deux années plus tard, le 27 mars 1978, à l’hôpital Mustapha Bacha, d’Alger des suites d’une maladie qui reste, à ce jour, une véritable énigme.
Hormis les deux premiers présidents élus, tous les autres, ils sont au nombre de quatre, ont été démis de leurs fonctions par des militaires tapis dans l’ombre qui n’osent pas assumer leurs actes ni prendre le pouvoir de manière franche. Ils ont, toujours, joué aux marionnettistes, manipulant à leur guise des pantins, derrière le rideau. Tout en déniant au peuple le droit d’élire en toute liberté et en toute démocratie son président et son parlement. Autrement dit, ils dénient au peuple algérien le droit à l’autodétermination. Ce droit si sacré qu’ils revendiquent aux autres y compris une poignée de mercenaires sans représentativité aucune, pour juste servir d’éternel alibi d’hostilité envers le voisin marocain. Dans le seul but d’asseoir leur pouvoir en appelant à la menace extérieure.