Depuis la reconnaissance de l’Amazigh comme langue officielle en 2011, les annonces de sa généralisation dans les écoles se sont multipliées. Quid des actions menées dans ce sens. Le bilan avec Lahcen Amokrane, ex-secrétaire général de la Confédération des associations des enseignant(e)s de l’Amazigh au Maroc, chercheur en langue et culture amazighes.
Quelle est votre évaluation de l’enseignement de l’Amazigh jusqu’ici ?
En toute franchise, je dois vous dire que l’état de la langue amazighe dans l’école marocaine me fait mal au cœur et sans exagération!! L’Amazigh est une langue maternelle que la décision politique continue d’ignorer et marginaliser, une langue qui remonte loin dans l’Histoire que menacent l’oubli et la disparition, une langue que l’on prend pour une langue étrangère dans sa patrie. Ce jugement peut être trop choquant mais il n’est jamais arbitraire.
La volonté politique est décisive. Dans ce cas, il faut trancher. Si on veut enseigner la langue amazighe, on doit déployer de vrais efforts et encadrer l’opération avec des textes et des notes bien précis et clairs, expliquer aux parents et aux élèves l’intérêt de cette langue et de sa culture, et ne pas confondre l’idéologique au pédagogique. Ce sont les premiers pas dans la voie de réussir l’enseignement de la langue amazighe.
Quelles sont les principales contraintes auxquelles fait face l’enseignement de cette langue et les moyens de les surmonter ?
Le gouvernement a pris, durant les deux dernières années, une série de mesures pour mettre en œuvre le caractère officiel de la langue amazighe, assure le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas.
Répondant aux questions des journalistes, lors d’un point de presse, Baitas a souligné que ce chantier représente un « engagement constitutionnel du Royaume sur Hautes instructions de Sa Majesté le Roi Mohammed VI », notant que le gouvernement s’emploie à sa mise en œuvre progressive.
Il a rappelé, dans ce cadre, le lancement officiel des projets relatifs au renforcement de l’utilisation de la langue Amazighe dans les administrations publiques et son intégration dans divers domaines de la vie publique.
Ainsi, le service d’accueil en langue Amazighe a été mis en place dans plusieurs administrations publiques, à travers la mobilisation de 460 agents d’accueil chargés de conseiller et d’orienter les usagers amazighophones, dans le but de faciliter leur accès aux services publics, outre l’inscription de la langue amazighe au niveau des panneaux de signalisation au sein des administrations et des établissements publics.
En sus, un service de réception d’appels téléphoniques en langue Amazighe a également été mis en place dans neufs centres d’appel relevant de certains départements ministériels et établissements publics qui connaissent une forte affluence des usagers. Sans oublier la mobilisation de 63 agents chargés de la communication téléphonique en langue amazighe.
« L’enseignement de la langue amazighe profitera à quelque 4 millions d’élèves au sein de 12 000 établissements d’enseignement primaire, à l’horizon 2030 », pour reprendre les propos du ministre de l’Éducation Nationale, du Préscolaire et des Sports, Chakib Benmoussa, lors d’un point presse tenu en juin dernier.
Sa généralisation va nécessiter une augmentation du nombre d’enseignants spécialisés et d’enseignants bilingues.
Par ailleurs, le gouvernement a décidé d’étendre l’enseignement de la langue anglaise dès la première année du collège dans le service public, afin de favoriser la diversité linguistique dans ce pays où le français est une langue très répandue mais pas officielle.