Pendant le Ramadan, le marché de Bab El Had devient le théâtre d’un spectacle hors du commun. Tour d’horizon.
En cette vêprée pluvieuse aux faux airs de printemps, des cohortes se ruent à foison vers l’entrée principale du marché de Bab El Had, bazar historique et centre névralgique du commerce de la Capitale. « Le Ramadan ne fait que commencer » est une bonne excuse pour les retardataires qui n’ont pas encore fini de faire leurs emplettes du mois sacré. L’ayant très bien compris, les vendeurs de gâteaux au miel, de douceurs orientales et autres sapidités ramadanesques se tiennent aux aguets, en se frottant allègrement les mains à la vue d’une file kilométrique qui ne fait que s’allonger devant leurs vitrines.
A un jet de pierre de ce décor spectaculaire, l’on peut remarquer la forte présence du tenancier d’un magasin de vêtements traditionnels, qui arbore fièrement des jellabas dernier cri et des abayas visiblement importées d’Arabie Saoudite. Comme à l’ancienne, il procède encore à la « vente à la criée ». Néanmoins, sa voix rauque dérange les passants, au plus grand je-m’en-foutisme de ses voisins. De temps à autre, il s’apitoie sur son sort, regrettant amèrement sa clientèle qui, naguère, s’intéressait beaucoup plus à ce type de vêtements. «Les Marocaines ne sont plus les mêmes », lance-t-il, dépité.
Un peu plus loin, dans une folle compétition, les vendeurs à la sauvette se répandent en invectives, pestent les uns contre les autres, fulminent contre les clientes qui marchandent longuement et ricanent de temps à autre après s’être suffisamment injuriés, envers et contre tous, pour un oui ou pour un non.
Les orfèvres de Bab El Had, jadis maîtres des lieux, se trouvent de nos jours dans leurs boutiques pour le seul plaisir de s’y trouver, car, par les temps qui courent, rares sont celles et ceux qui investissent des cents et des mille dans ce métal si précieux. Ces commerçants semblent, curieusement, être supplantés par les vendeurs d’accessoires en acier doré inoxydable. C’est du toc, certes, mais ces broutilles semblent, qu’à cela ne tienne, avoir de l’avenir dans ce marché.
A 17 heures, les flâneurs ont un mal de chien à se faufiler ou se frayer un chemin entre les files humaines qui se pressent vers les portes de sortie et les ferrachas, toujours figés. «J’ai l’impression que le tout Rabat est ici présent », lance une voix féminine un tantinet hilare. Trente minutes plus tard, le marché a commencé à se dépeupler de ses vendeurs, à perdre son atmosphère abracadabrante et son brouhaha ahurissant.