
Quand le Maroc, l’Espagne et le Portugal ont obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2030, tout le pays a célébré une victoire historique. Mais la vraie question est désormais de transformer ce succès en progrès concret. Dans cette transformation, l’université marocaine n’est pas un figurant : elle en est la clé.
Chaque jour, 2,5 millions d’étudiants – soit un Marocain sur douze – rejoignent leurs amphithéâtres, laboratoires et incubateurs. A leurs côtés, 20.000 enseignants-chercheurs animent plus de 1.500 équipes de recherche. Leurs travaux touchent déjà les domaines que la Fédération internationale de football association exige : détection des comportements à risque dans les stades grâce à l’intelligence artificielle, cybersécurité pour la billetterie en ligne, analyse des données pour fluidifier les déplacements des supporters, ou encore matériaux écologiques pour des tribunes allégées en carbone.
Les sept villes candidates (Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Fès, Agadir et Oujda) possèdent toutes un grand campus avec, au total, 180.000 lits en résidences étudiantes et de nombreuses salles de visioconférence. Miser sur ces moyens humains et matériels, c’est éviter d’acheter à l’étranger ce que nous avons déjà chez nous.
L’université peut aussi rééquilibrer le territoire. En impliquant des étudiants venus de Taza, d’Errachidia ou de Laâyoune – via des missions d’interprétariat, de maintenance ou d’accompagnement touristique – le pays partage les bénéfices du tournoi hors des seules grandes villes côtières.
2. Quatre chantiers pour passer des promesses aux actes
Le compte à rebours est enclenché : moins de cinq ans avant le coup d’envoi. Quatre actions doivent démarrer dès 2025 :
Former. Un programme de diplômes courts (huit à douze mois, alternant cours du soir, modules en ligne et stages) doit délivrer 15.000 diplômés chaque année jusqu’en 2029. Ils se spécialiseront en organisation d’événements, sécurité, logistique ou marketing sportif. Chaque certificat portera la double signature de l’université et de ses partenaires (chaînes télévisées, sociétés de billetterie, groupes hôteliers ou transporteurs) pour garantir l’embauche immédiate.
Mobiliser. Une plateforme en arabe, français et anglais centralisera le volontariat. Tutoriels sur la gestion de foule, premiers secours et accueil interculturel jalonneront le parcours de 30.000 bénévoles, dont au moins 40% de femmes. Leur engagement sera validé par un badge numérique comptant pour trois crédits universitaires européens.
Innover. Un fonds d’innovation de 300 millions de dirhams (2025-2029) financera bourses doctorales, prototypage et dépôts de brevets. Dix maquettes prêtes à être produites industriellement sont attendues avant 2028 : navettes électriques autonomes entre campus et stades, capteurs de densité connectés à l’intelligence artificielle, application de traduction instantanée arabe-espagnol-portugais, etc. Les universités espagnoles et portugaises partageront leurs espaces d’essai pour avancer plus vite et réduire les coûts.
Gouverner. Une cellule nationale – rassemblant les ministères des Sports et de l’Enseignement supérieur, le comité d’organisation, la Confédération générale des entreprises du Maroc et les régions – pilotera le projet. Un tableau de bord public mis à jour chaque trimestre affichera le nombre d’étudiants formés, de prototypes finalisés, de stages validés et d’emplois créés. Le financement mêlera partenariats publics-privés et lignes de crédit de la Banque africaine de développement pour la transition verte. Les appels d’offres réserveront 20% des marchés aux micro-entreprises créées par des jeunes de moins de trente ans.
3. Après 2030 : transformer l’essai
La compétition s’achèvera en juillet 2030, mais l’enjeu principal sera l’héritage. Trois moyens garantiront la continuité :
L’emploi durable. Le Maroc prévoit 100 000 postes directs et indirects. Pour qu’ils perdurent, il faudra reconvertir les diplômés formés en gestionnaires d’équipements sportifs ou touristiques. Les Centres régionaux d’investissement aideront à créer de petites entreprises expertes en maintenance électronique, tourisme patrimonial ou guidage numérique. Un label universitaire encouragera les jeunes titulaires à lancer leur activité en s’appuyant sur la notoriété de leur école.
La recherche appliquée. Le rythme imposé par la Coupe fera progresser la culture du résultat dans les laboratoires. Objectif : 50 brevets avant 2031, détenus conjointement par universités et entreprises, à condition de créer des emplois locaux et d’alimenter un fonds de bourses étudiantes avec une part des redevances.
L’ouverture euro-méditerranéenne. La co-organisation tripartite devient un « grand Erasmus ». Un étudiant de Tétouan pourra passer un semestre à Séville ; un Andalou, un semestre à Agadir. D’ici 2029, ce brassage aura tissé un réseau scientifique et citoyen plus solide que bien des sommets diplomatiques.
Les chiffres parleront : plus de 70% des diplômés insérés dans l’année, 50.000 supporters hébergés sur les campus sans incident, -15% d’émissions carbone grâce aux solutions universitaires, dix tournois étudiants par an sur les infrastructures modernisées, cinquante jeunes entreprises issues des laboratoires.
Le temps file. Chaque programme d’étude révisé, chaque laboratoire équipé, chaque étudiant formé rapproche un Maroc plus compétitif, plus solide, plus ouvert. Si l’université est pleinement engagée, la Coupe du monde 2030 ne sera pas un simple feu d’artifice, mais bien le départ d’une nouvelle ère où la jeunesse formée marquera les buts du développement durable.
Par Mohamed Assouali
Membre du Comité national d’arbitrage et d’éthique de l’USFP.
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