
Dès les premières minutes, il a tenu à rappeler que la motion de censure initiée par le Groupe socialiste n’était ni un geste symbolique ni une tentative de posture, mais le fruit d’une réflexion collective mûrie au sein du parti, adoptée par le Conseil national, et motivée par un contexte national devenu insoutenable. L’explosion des prix, les grèves dans les secteurs cruciaux de la santé et de l’éducation, les polémiques liées aux importations de cheptel : autant de signaux d’un système politique déconnecté, selon lui, des urgences populaires. L’USFP, dans cet esprit, a cherché à insuffler une respiration démocratique à travers un instrument institutionnel majeur : la motion de censure comme levier d’équilibre.
Mais ce geste, aussi noble soit-il, s’est heurté à l’hostilité de ceux censés le soutenir. Chahid a dénoncé sans ambages le comportement du Parti de la justice et du développement (PJD), dont le secrétaire général, en avril 2024, a qualifié cette initiative de conspiration. Une lecture cynique, affirme le président du Groupe socialiste, qui occulte mal le malaise d’un parti en perte d’influence, en quête de boucs émissaires pour justifier ses propres renoncements. Il a rappelé que le Groupe socialiste-Opposition ittihadie avait fourni toutes les explications nécessaires sur le caractère démocratique de cette motion, conçue comme une réponse institutionnelle à l’état de déséquilibre profond dans lequel s’enlise le système politique marocain.
Lorsqu’il évoque les tentatives de coordination avec les autres groupes de l’opposition, sa voix se teinte d’une franche amertume. Loin d’un rejet dogmatique de l’unité d’action, Chahid explique que son groupe a constamment fait preuve de bonne foi. Mais il dénonce les manœuvres dilatoires du PJD, notamment lorsque ce dernier a proposé une méthode pour le moins ubuesque : tirer au sort le groupe qui porterait la motion. Une proposition qui, selon lui, piétine les usages parlementaires, nie le principe de la représentativité et traduit une volonté de parasiter une initiative qui ne lui appartenait pas.
Plus grave encore, Chahid souligne que les dirigeants du PJD ont fabriqué de toutes pièces l’accusation selon laquelle le Groupe socialiste se serait retiré d’une réunion cruciale. Il réfute catégoriquement cette version, précisant que seules deux réunions ont eu lieu, et que son groupe est resté dans l’attente d’un retour de la part des autres formations. Faute de réponse, et face à une stratégie d’obstruction manifeste, l’USFP a choisi de se retirer. Ce retrait n’est pas un repli, souligne-t-il, mais un acte de lucidité politique, dicté par la volonté d’éviter toute manipulation.
Dans le même souffle, Chahid démonte les allégations selon lesquelles l’USFP aurait marchandé son engagement dans la motion. Pour lui, ces accusations sont le produit d’une imagination toxique : le PJD, dit-il, continue de mentir jusqu’à croire à ses propres fictions, comme pour mieux masquer ses dix années d’échec au pouvoir. Ce même parti, déplore-t-il, refuse encore aujourd’hui d’assumer le traumatisme du « blocage » gouvernemental de 2016, orchestré par un seul homme : Benkirane. Un épisode que, selon Chahid, le PJD n’a jamais digéré, d’autant qu’il a été évincé du sommet de l’exécutif en 2021 et relégué au rang de force marginale.
Le député ittihadi a rappelé que c’est bien Benkirane qui, en 2015, avait procédé à la libéralisation des prix des carburants, une décision qui a plongé les citoyens dans une spirale inflationniste, sans que personne à l’époque ne parle de «deal» ou de compromission. De la même manière, lorsque le Parti du Mouvement populaire a voté en faveur de la loi sur le droit de grève alors qu’il était dans l’opposition, nul ne l’a accusé de bénéficier d’un «cadeau» ou d’une «entente secrète» — «car nous sommes convaincus, au sein de l’USFP, que les positions politiques sont fondées sur des convictions, non sur des justifications bancale», dit-il.
Le discours partisan, notamment celui de Benkirane, a atteint des niveaux inédits de vulgarité, de bassesse, d’immoralité et d’irresponsabilité
Ce qui inquiète profondément Chahid, ce n’est pas seulement la mauvaise foi politique, mais la dégénérescence de tel discours. Il évoque, avec une gravité pesante, l’invective, le mensonge et la calomnie érigés en stratégie politique par le PJD. Jamais auparavant, dit-il, le champ politique n’avait connu un tel niveau de décadence verbale. Il cite nommément l’ancien chef du gouvernement, dont les attaques visent sans discernement responsables marocains, citoyens et même diplomates étrangers. «Le discours partisan, notamment celui de Benkirane, a atteint des niveaux inédits de vulgarité, de bassesse, d’immoralité et d’irresponsabilité. Il en est même arrivé à désigner les Marocains avec les termes les plus abjects», rappelle Abderrahim Chahid. Et de poursuivre : «Le citoyen marocain ne tolère plus qu’un ancien chef de gouvernement s’autorise un tel langage dégradant, empreint de grossièretés et contraire à toute éthique».
Le réquisitoire du président du Groupe socialiste–Opposition ittihadie ne s’arrête pas au PJD. Il pointe avec force la faillite structurelle du gouvernement actuel, composé selon lui d’une coalition hégémonique pratiquant le clientélisme à grande échelle. Depuis quatre ans, affirme-t-il, cette majorité, issue de trois partis, concentre les pouvoirs et caporalise les nominations dans les régions, les conseils élus et les postes de responsabilité. Chahid y voit l’incarnation d’un « déluge autoritaire », incompatible avec l’esprit de la Constitution.
Sur le fond, il accuse le gouvernement d’avoir échoué sur tous les fronts : aucune des dix promesses du programme n’a été tenue, les indicateurs économiques stagnent, les inégalités territoriales se creusent, la pauvreté et le chômage persistent et les services publics comme l’éducation et la santé s’effondrent. Il évoque en particulier l’échec de la mise en œuvre du chantier Royal de la protection sociale, sabordé selon lui par l’inefficacité, la lenteur et l’absence de vision de l’Executif.
Dans une posture de parlementaire engagé, Chahid met en avant les efforts du Groupe socialiste pour activer les leviers de contrôle et d’évaluation. Il cite les multiples initiatives lancées : l’appel à un audit du Plan Maroc Vert, les convocations de huit établissements publics au Parlement pour interroger leur gestion et leurs résultats. De l’ONEE à l’OCP, en passant l’ONCF et par les secteurs du tourisme, de l’aviation ou de l’eau, aucun domaine stratégique n’a échappé à leur vigilance.
Son constat est sans appel : l’exécutif méprise le Parlement. Il révèle que certains ministres n’ont honoré que deux ou trois séances de questions orales en quatre ans. Une désinvolture qui, pour lui, ne peut rester sans réponse. Le Groupe socialiste, insiste-t-il, a le devoir d’imposer le respect de l’institution parlementaire, dernier rempart face à l’arrogance de l’exécutif.
Enfin, tourné vers l’avenir, il appelle le chef du gouvernement à initier un dialogue national sur les échéances de 2026. Le flou actuel, prévient-il, ne peut que nourrir les soupçons. Il accuse les partis de la majorité de préparer le terrain en douce, en organisant meetings et rassemblements sous prétexte de bilan, alors qu’il s’agit d’une pré-campagne déguisée financée sur fonds publics.
Dans ce chaos, l’USFP se distingue, rappelle Chahid, par sa rigueur et sa constance. Il s’agit d’un parti enraciné, en pleine dynamique organisationnelle, présent sur tout le territoire, et qui s’apprête à tenir son douzième congrès national en octobre prochain. Toutes les commissions sont à pied d’œuvre, assure-t-il, pour produire des documents politiques et organisationnels à la hauteur des défis.
Mehdi Ouassat
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