Nichée dans le Haut Atlas, Inzerki abrite une apiculture ancestrale au cœur d’un site collectif unique au monde.
Perché à près de 1000 mètres d’altitude, sur les contreforts sud du Haut Atlas occidental, le Rucher d’Inzerki est reconnu comme l’un des plus grands ensembles apicoles traditionnels encore en activité. Situé au nord d’Agadir, ce site remarquable incarne un héritage vivant, témoin de l’ingéniosité des communautés berbères du Souss Massa.
Restauré en 2005 dans le respect des matériaux originels (pierre, bois et terre crue) ce complexe collectif rassemble des centaines de casiers destinés à accueillir des essaims. Bien que tous ne soient pas occupés aujourd’hui, le lieu conserve sa vocation apicole et son importance culturelle. Géré par une association locale regroupant sept membres représentant 42 familles du douar, le site constitue souvent l’unique source de revenu pour ses habitants.
La production de ce terroir est réputée : le miel qui y est récolté, issu d’une flore locale variée et riche, compte parmi les plus appréciés du pays. Pourtant, les rendements dépendent étroitement des conditions climatiques. Lors d’années particulièrement arides, les essaims souffrent : en 2025, la production a été limitée à 40 colonies actives contre 140 en 2021.
Chaque ruche est confectionnée à la main à partir de matériaux naturels. L’essaim est logé dans un cylindre de roseau ou d’écorce, fermé aux extrémités par des disques de palmier, marqués pour en indiquer la propriété. Ces contenants sont insérés dans des cases ventilées, et une fois remplis, ils sont soigneusement vidés avant d’être à nouveau colmatés.
Le choix du site ne doit rien au hasard. Le flanc sud, ensoleillé, bénéficie d’un microclimat stable propice à l’épanouissement de nombreuses espèces végétales mellifères : lavande, thym, arganier, amandier, chêne, palmier.
Facilement accessible, le village reste toutefois isolé. Une piste de huit kilomètres mène au rucher, sinuant entre des reliefs ocre, tapissés d’une végétation méditerranéenne et de hameaux traditionnels. Cette voie d’accès a souffert du dernier séisme et nécessite une réhabilitation urgente pour préserver l’activité et ouvrir davantage le site au public.
Le rucher est construit en terrasses et intégré au paysage, dans une architecture de pisé respectueuse de l’environnement. Chaque niveau est occupé par des structures appelées Tizghatine, sortes de casiers collectifs qui abritent les cylindres.
Bien qu’il soit reconnu dans les cercles apicoles internationaux, Inzerki reste un lieu confidentiel. Peu de visiteurs empruntent la route jusqu’à ce patrimoine hors du commun, pourtant qualifié de «trésor» amazigh. Des démarches sont en cours pour obtenir son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le principe même de ce rucher collectif (appelé localement «Taddart ou Guerram») repose sur une coopération intertribale. Les familles déposent leurs ruches dans les emplacements communautaires selon un agencement transmis de génération en génération.
L’organisation du site, sa pérennité et son enracinement culturel en font un exemple rare de cohésion rurale. Chaque famille conserve son savoir-faire, transmet ses repères, entretient ses cylindres et participe à la préservation de l’ensemble. Le tout forme un écosystème social et écologique qui mérite une attention renforcée.
Inzerki est un repère identitaire pour les habitants du Souss. Il incarne une tradition apicole respectueuse de la nature, profondément ancrée dans les rythmes de la terre et les exigences de la vie collective. Face aux défis du changement climatique et à l’urbanisation croissante, sa sauvegarde devient un enjeu prioritaire. Le soutien à cette filière traditionnelle, qu’il soit institutionnel, associatif ou touristique, représente une chance pour consolider un modèle de développement durable, en harmonie avec le territoire et ses ressources.
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