a
a
HomeActualités du Net​De la mémoire savante à l’IA souveraine : culture et intelligence artificielle en dialogue pour une voie marocaine

​De la mémoire savante à l’IA souveraine : culture et intelligence artificielle en dialogue pour une voie marocaine

​De la mémoire savante à l’IA souveraine : culture et intelligence artificielle en dialogue pour une voie marocaine
​De la mémoire savante à l’IA souveraine : culture et intelligence artificielle en dialogue pour une voie marocaine
Dans son œuvre vaste et profondément enracinée dans l’histoire intellectuelle du Maroc, Monsieur Abdeljalil Lahjomri explore les entrelacements subtils entre culture, savoir et identité. En tant que secrétaire perpétuel de l’Académie du Royaume du Maroc, il incarne l’esprit d’une pensée à la fois fidèle à la tradition humaniste et ouverte aux exigences du monde contemporain. À travers ses conférences, ses écrits et son engagement institutionnel, il a toujours défendu l’idée d’une culture marocaine vivante, en dialogue avec les autres civilisations, mais farouchement protectrice de sa propre mémoire, de ses langues, et de ses symboles.

Cette posture, exigeante et visionnaire, résonne avec les défis contemporains posés par l’intelligence artificielle. Dans mon ouvrage « L’intelligence artificielle au Maroc ? Souveraineté, inclusion et transformation systémique », je propose une lecture ancrée dans la réalité marocaine, qui considère l’IA non comme une simple avancée technique, mais comme un révélateur et un levier de notre capacité à produire un futur souverain, éthique et inclusif. Ce projet ne peut être mené à bien sans les fondations que Monsieur Lahjomri appelle de ses vœux : un socle culturel robuste, une vision éducative élargie, et un engagement intellectuel de long terme.
Culture et souveraineté : un socle commun
Dans les écrits de Monsieur Lahjomri, la culture est bien plus qu’un héritage : elle est une dynamique de résistance à l’homogénéisation, une manière de rester soi dans un monde qui tend à effacer les différences. Cette perspective rejoint une idée centrale de mon travail : la souveraineté numérique, pour être réelle, doit dépasser la seule maîtrise des infrastructures technologiques. Elle exige une souveraineté symbolique, c’est-à-dire une capacité à nommer, à raconter, à coder dans nos propres termes le monde numérique.

À l’heure où les IA génératives réécrivent des romans, produisent des images, traduisent des poèmes et synthétisent des voix, la question des droits d’auteur, de la propriété intellectuelle, et plus profondément encore, de la mémoire collective, devient centrale. Une IA formée exclusivement sur des corpus étrangers risque de perpétuer une colonisation cognitive. Pour éviter cela, il faut puiser dans nos propres ressources culturelles, comme le suggère Monsieur Lahjomri, et produire des IA enracinées, capables de comprendre, respecter et porter la diversité de notre patrimoine.

La transmission des savoirs : entre tradition et innovation

Monsieur Lahjomri plaide avec constance pour la réhabilitation des humanités, pour la valorisation du patrimoine intellectuel arabo-islamique, et pour une culture de la pensée critique. Face à la tentation techniciste, il rappelle que la vraie modernité est celle qui s’enracine. Ce positionnement entre en écho avec mon plaidoyer pour une refondation des curricula marocains, qui intègre les humanités numériques, les enjeux éthiques de l’IA, et une pédagogie contextualisée. Loin de considérer la tradition comme un frein, je la vois, à l’instar de Monsieur Lahjomri, comme une ressource stratégique.

C’est en croisant les sciences, la littérature, la philosophie et les technologies que nous pourrons bâtir une société numérique capable d’intelligence collective, de jugement moral, et de création authentique. Cette hybridation entre tradition et innovation n’est pas une option ; elle est une condition de notre souveraineté cognitive.

L’Académie du Royaume comme lieu stratégique

Sous la direction éclairée de Monsieur Lahjomri, l’Académie du Royaume est devenue bien plus qu’un cercle savant : elle est une agora intellectuelle, un lieu de synthèse entre disciplines, générations et cultures. Elle peut, et devrait, devenir un acteur clé dans la réflexion stratégique sur l’intelligence artificielle au Maroc. Pourquoi ne pas y instituer un pôle interdisciplinaire sur les technologies du futur, intégrant philosophes, historiens, juristes, ingénieurs, linguistes et artistes ?

Ce pôle pourrait explorer plusieurs chantiers : l’éthique de l’IA dans les sociétés du Sud, la production de corpus linguistiques en arabe dialectal et en amazighe, la place de la poésie et de l’oralité dans la formation des algorithmes, ou encore l’élaboration d’un index culturel marocain à destination des développeurs d’IA. Ce serait là un prolongement naturel de la mission de l’Académie : éclairer l’avenir à la lumière du savoir.

Vers une intelligence marocaine augmentée

Loin d’être une simple augmentation technologique de l’humain, l’intelligence augmentée que je défends est une intelligence systémique, qui combine les capacités analytiques de la machine avec les vertus humaines : le discernement, l’éthique, l’empathie, la créativité. Dans ses textes, Monsieur Lahjomri parle avec finesse des formes d’intelligence invisibles, de la sagesse des anciens, de l’intuition poétique comme voie de connaissance. Cette richesse ne doit pas être perdue dans la course à l’automatisation.

L’intelligence marocaine augmentée que nous devons construire est donc hybride, multicouche, enracinée dans nos valeurs, mais projetée vers l’avenir. Elle associe l’innovation technologique à une conscience culturelle et politique. Elle refuse les modèles importés sans adaptation, et construit ses propres repères. C’est cela, une IA au service de l’humain marocain – et non l’inverse.

Une trajectoire partagée à écrire

Au croisement de nos deux approches – celle de l’humaniste qui défend le legs civilisationnel, et celle du chercheur engagé dans les mutations numériques – se dessine une trajectoire marocaine de l’IA, singulière, ambitieuse, et profondément ancrée. Cette voie n’oppose pas culture et technologie, tradition et futur, mais les articule dans une logique de co-évolution.

Le Maroc a les ressources intellectuelles, culturelles et humaines pour ne pas subir l’IA, mais la penser, la modeler, l’encadrer. Ce travail exige un dialogue permanent entre les institutions du savoir, les centres d’innovation, les artistes, les décideurs et les citoyens. L’Académie du Royaume du Maroc, sous l’impulsion de Monsieur Lahjomri, peut devenir l’un des foyers de ce dialogue stratégique.

Construire une IA pour le Maroc, c’est construire une vision du monde. Ne laissons pas d’autres écrire cette vision à notre place.

L’Opinion Maroc – Actualité et Infos au Maroc et dans le monde.Read More