C’est donc « par amour d’Israël » que la rabbine Delphine Horvilleur en appelle à un « sursaut de conscience » face à « la tragédie endurée par les Gazaouis ».

Vraiment ?
Israël célèbre aujourd’hui ses 77 ans d’existence. Soixante-dix-sept années de dépossession, de répression, de spoliation. Ce qui présente tous les caractères d’un génocide à Gaza n’est que l’expression accélérée d’un projet politique initié en 1948, et dont le 7 octobre 2023 n’est que l’écho, le prolongement sanglant. Nettoyage ethnique, transferts forcés, assassinats, colonisation continue.
Comment Madame Horvilleur peut-elle encore parler d’amour envers un État colonial, militarisé, fondé sur la négation de l’autre, sur ce mensonge fondateur qu’ont béni les puissances occidentales depuis la Déclaration Balfour de 1917 : une terre sans peuple pour un peuple sans terre.
J’avoue mon incapacité à trouver un fondement moral cohérent qui relierait ce soi-disant sursaut de conscience à une quelconque forme d’amour envers un État qu’un jour — tôt ou tard — l’Histoire jugera comme une malédiction pour les peuples du Moyen-Orient, y compris pour les Juifs d’Israël eux-mêmes.
Quant à l’initiative de Delphine Horvilleur, que certains saluent comme un acte de courage, j’y vois plutôt une demi-conscience, sinon une conscience de pacotille.
Défendre les Palestiniens tout en déclarant son amour à l’État qui les martyrise… Si ma critique semble radicale pour certains, alors dites-moi : à quoi devrait ressembler un jugement moins radical ? Faudrait-il, pour ne pas heurter, saluer la clarté des demi-mots ? Cautionner l’incohérence au nom de la bonne volonté ? Des bons sentiments?
Devenir femme rabbin, bravo, vraiment. Une avancée remarquable dans un univers longtemps réservé aux hommes. Mais est-ce que cela accorde pour autant le droit à la contradiction morale ? Le mérite d’avoir brisé un plafond de verre justifie-t-il qu’on évite de nommer un mur de béton ? Peut-on aimer une puissance qui opprime et, dans le même souffle, se dire solidaire de ses victimes ?
Je pose la question avec gravité, parce que les temps ne nous permettent plus d’aimer notre prochain à moitié!
Je respecte la femme, l’intellectuelle, la rabbin engagée, capable de prendre la parole à contre-courant. Ce respect ne m’interdit pas de questionner la cohérence d’une posture qui cherche à concilier l’amour d’un État oppresseur et la défense de ceux qu’il oppresse. C’est là le cœur de ma critique, sans haine ni mépris. Juste la volonté de penser avec exigence, même — et surtout — quand les sujets brûlent.
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