La guerre indo-pakistanaise où le Rafale a été éprouvé a ravivé le vieux débat sur le choix de l’avion de Dassault souvent lié à un éventuel intérêt du Royaume qui a déjà tranché en faveur du F-16. Récit d’un contrat avorté par le passé.
![Rafale au Maroc : Récit d’un deal qui s’est crashé ! [INTÉGRAL] Rafale au Maroc : Récit d’un deal qui s’est crashé ! [INTÉGRAL]](https://www.lopinion.ma/photo/art/default/88518014-62686727.jpg?v=1747131758)
A Paris, Jacques Chirac occupait encore le Palais de l’Elysée. Compte tenu de l’amitié qu’il portrait au Maroc, on s’attendait à des négociations faciles. Pourtant, on est mal parti dès le début. Les discussions butèrent sur le devis. D’abord, les Français n’arrivent pas à parler d’une seule voix, au grand étonnement des Marocains qui furent surpris de parler à deux interlocuteurs à la fois, à savoir le constructeur Dassault et le gouvernement français représenté par la Délégation générale pour l’armement (DGA). La confusion atteint son paroxysme à la présentation de la facture. Le Maroc a reçu deux offres contradictoires. Dassault réclamait 2 milliards d’euros pour 16 appareils, tandis que l’Etat français demandait moins. Puis les négociations continuèrent dans le flou total. Le devis s’éleva ensuite à 2,6 milliards d’euros. Le montant étant hors de portée, il fut revu à la baisse. Un compromis fut ensuite trouvé autour de 2,1 milliards d’euros. On était censé voir le bout du tunnel. Il n’en fut rien.
Les Français espèrent que le Maroc rejoindra la liste des clients en Afrique du Nord. Le Royaume serait le deuxième après l’Egypte. Le succès commercial du Rafale ces derniers temps serait un facteur contributif. Selon Renaud Bellais, expert en économie de la défense, le choix d’un avion de chasse doit tenir compte des besoins et de la nature des missions et, encore plus, de la flotte des ennemis potentiels. “C’est un calcul qui obéit au rapport prix-qualité, c’est-à-dire trouver un équilibre entre le coût d’acquisition et de la maintenance à long terme et la plus-value opérationnelle”, explique notre interlocuteur. Les militaires français qui conseillent Dassault sont convaincus que le Rafale est le meilleur au monde et le plus adapté aux besoins spécifiques des pays en quête d’un appareil multifonctions. Quand on les interroge, ils allèguent souvent deux arguments majeurs : la multifonctionnalité inégalable (un avion capable de tout faire) et surtout : la souveraineté. Un acquis précieux, selon Bruno Clerment, ancien conseiller du PDG de Dassault. « C’est un appareil d’autant plus unique qu’il peut opérer avec des drones, mais un tel contrat n’est pas facilement imaginable puisque les Américains se sont bien implantés au Maroc depuis des années », regrette, pour sa part, le colonel Peer De Jong. En gros, dans l’argumentaire français, c’est un avion livré clé en main. Le client peut en faire ce qu’il veut avec une liberté d’usage et de maintenance quasi-totale, contrairement aux avions américains dont l’usage dépend toujours de l’aval américain. En France, on dit souvent que les Américains peuvent clouer au sol les avions de leurs partenaires s’ils ne sont pas d’accord avec leur usage. Aussi, les options de maintenance locale demeurent hyper restreintes. Cette contrainte ne s’applique pas pourtant au Maroc, qui vient de se faire intégrer dans la supply-chain mondial de la nouvelle version du F-16.
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- A votre avis, quels sont les critères de choix du Rafale, surtout chez les puissances extra-européennes ?
– Je dirai que l’efficacité du Rafale dépend de l’usage qu’on veut en faire et de l’adversaire contre lequel on veut l’employer et la nature des missions. Le Rafale est trop sophistiqué pour être déployé seulement pour des missions de surveillance et de la police de l’air. Certes, dans les pays de la région MENA et en Asie, il y a cette quête de prestige et de suprématie pour posséder des armes puissantes. Là, tout dépend des besoins et des attentes des militaires, notamment de l’état-major de l’Armée de l’air. Quand on achète le Rafale ou tout autre avion de cinquième génération, on cherche généralement un effet de dissuasion. Par exemple, si on prend l’exemple du Brésil, c’est plus logique d’avoir le Gripen puisqu’il coûte moins cher dans un environnement où il n’y a pas d’ennemis potentiels dotés d’avions de cinquième génération. Dans le cas du Maroc, s’il éprouve le besoin de se défendre contre un ennemi sophistiqué, la question peut se poser. Il faut toujours garder en tête que la valeur de l’équipement militaire quel qu’il soit se mesure aux moyens de l’adversaire.
- Peut-on donc déduire que le choix d’un avion de chasse dépend seulement de l’ennemi potentiel ?
– Dans le cas du Maghreb, le débat tourne autour de la suprématie aérienne. Le choix du Rafale peut être appréhendé dans cette perspective. Généralement, on cherche l’effet de dissuasion en faisant comprendre à l’adversaire que la riposte serait implacable au ciel en cas d’attaque. En plus, le choix des aéronefs dépend aussi du degré de sophistication de la défense anti-aérienne de l’adversaire.
- On présente souvent le Rafale comme un “avion souverain”, c’est-à-dire qu’il peut être utilisé souverainement par le pays client sans restriction d’usage. Est-ce vraiment le cas ou y a-til des restrictions dissimulées ?
– C’est, en effet, la spécificité de l’industrie française qui consiste à donner aux pays clients l’avantage de disposer d’une entière liberté d’usage des équipements militaires. C’est ce qui fait la valeur ajoutée du “Made in France” par rapport à la concurrence. D’ailleurs, ce n’est pas le cas des Russes, des Américains ou des Chinois qui, pour leur part, vendent des boîtes noires. En fait, la France a développé depuis longtemps son autonomie stratégique. Sa stratégie à l’export consiste à accompagner ses partenariats à avoir la même autonomie. Cela vaut pour tous les types d’armement, y compris les sous-marins, comme ce fut le cas avec le Brésil et l’Australie. Par contre, l’usage du F-35 est restreint puisque le client n’est pas seulement maître de son aéronef. Même si on achète américain, on reste toujours tributaire de l’aval de Washington pour en faire usage et pour la maintenance qui se fait impérativement sous contrôle des Etats-Unis.
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