Le Maroc, vice-président du Conseil des ministres africains chargés de l’Eau pour la période 2025-2027, conduit les discussions stratégiques visant à redéfinir les priorités hydriques du continent à l’horizon post-2025.

Le Maroc, désigné vice-président de l’AMCOW pour la région Afrique du Nord sur la période 2025-2027, assume une position centrale dans ces travaux de réflexion. À travers une déclaration lue en son nom par Abdelfattah Sahibi, secrétaire général du ministère de l’Équipement et de l’Eau, le ministre de tutelle, Nizar Baraka, a réitéré l’engagement du Royaume à jouer un rôle structurant dans la consolidation d’une gouvernance hydrique continentale cohérente, inclusive et durable.
Cette session, a-t-il souligné, représente «un moment stratégique pour faire entendre les priorités spécifiques de l’Afrique du Nord», dans un cadre qui reconnaît les différences subrégionales tout en visant la convergence vers une vision commune.
Approche multidimensionnelle des enjeux de l’eau
Les consultations en cours ont pour ambition de formuler un diagnostic partagé des défis liés à l’eau et à l’assainissement, en intégrant plusieurs niveaux d’analyse. D’abord, la nécessité d’établir un bilan critique de la Vision Africaine de l’Eau actuelle, afin d’en tirer les leçons structurelles. Ensuite, l’importance d’élaborer une vision prospective articulant les spécificités de chaque sous-région, tout en reliant plus étroitement les problématiques de l’eau à celles de l’assainissement et de l’hygiène (WASH).
En 2022, seulement 31,99% de la population en Afrique subsaharienne avaient accès à une source d’eau potable gérée en toute sécurité, reflétant une augmentation marginale par rapport aux années précédentes. La même année, seulement 31% de la population africaine bénéficiaient de services d’assainissement gérés en toute sécurité, et 28% disposaient de services d’hygiène de base.
Le Maroc plaide ainsi pour une gouvernance continentale plus stratégique, mieux coordonnée et plus inclusive, insistant sur la participation active des jeunes et la prise en compte de la dimension genre, afin de refléter la diversité sociale des territoires concernés.
Financement insuffisant et besoins croissants
Parmi les freins structurels identifiés, le déficit d’investissement figure en tête. Selon la Banque Africaine de Développement, il est impératif d’investir 64 milliards de dollars par an pour atteindre la Vision africaine et assurer une gestion adéquate des ressources hydriques et l’accès universel à l’eau potable et à l’assainissement. Or, les investissements actuels se situent entre 10 et 19 milliards de dollars, laissant un déficit de financement substantiel.
Le manque d’accès à une eau salubre et à des installations sanitaires adéquates entraîne des taux de mortalité élevés, dus à des sources d’eau insalubres, ces taux étant mille fois supérieurs à ceux des pays développés. En outre, en 2023, l’Afrique a enregistré le plus grand nombre de conflits et de disputes liés à l’eau depuis 2019, avec au moins 71 incidents signalés, soit une augmentation d’environ 34% par rapport à l’année précédente.
À cet égard, le ministre Baraka a plaidé pour une mobilisation renforcée autour de financements innovants et alternatifs, incluant le recours à des partenariats public-privé, le développement de mécanismes de solidarité financière régionale, et le transfert de technologies sans conditionnalité. Il a également appelé à une meilleure articulation entre les politiques publiques et la recherche académique, pour appuyer les décisions sur des données fiables et actualisées.
Contribution attendue à l’Agenda 2063
Pour Rashid Mbazira, Secrétaire exécutif de l’AMCOW, ces consultations régionales constituent « une étape essentielle vers la consolidation d’une politique hydrique panafricaine », pleinement alignée sur l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, feuille de route du développement continental.
Il a insisté sur le fait que l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène — le triptyque WASH — est un levier fondamental de transformation sociale et économique, capable d’augmenter les rendements agricoles, d’améliorer les indicateurs de santé publique, et de renforcer la résilience des communautés face aux aléas climatiques.
Prochaine étape : Lusaka, mai 2025
Ces consultations, qui se poursuivent jusqu’au 10 avril à Rabat, contribueront directement à l’élaboration du document-cadre qui sera débattu lors de la 3ème Conférence panafricaine sur la mise en œuvre (PANAFCON-3). Cette dernière sera l’occasion de valider les grandes orientations de la Vision Africaine de l’Eau post-2025, dans un contexte de pressions hydriques accrues, d’urbanisation galopante et de vulnérabilité climatique aggravée.
Le rôle du Maroc dans cette dynamique s’annonce déterminant. En mobilisant son expertise technique et diplomatique, le Royaume entend bien positionner l’Afrique du Nord comme un acteur constructif et proactif dans la redéfinition des politiques hydriques africaines.
Créé en 2002, l’AMCOW (African Ministers’ Council on Water) est une institution spécialisée de l’Union Africaine chargée de coordonner les politiques de gestion de l’eau et de l’assainissement à l’échelle continentale. Son mandat couvre l’élaboration de stratégies, la promotion de bonnes pratiques et le suivi des engagements régionaux et internationaux en matière d’eau.
L’Opinion Maroc – Actualité et Infos au Maroc et dans le monde.Read More