Indispensables au confort urbain et à l’hygiène publique, les plombiers marocains restent sous-payés et peu reconnus, malgré une forte demande dans le bâtiment.
![Journée mondiale de la plomberie : Le plombier, anciennement artisan, nouvellement technicien [INTÉGRAL] Journée mondiale de la plomberie : Le plombier, anciennement artisan, nouvellement technicien [INTÉGRAL]](https://www.lopinion.ma/photo/art/default/87156957-61877485.jpg?v=1741863240)
La plomberie figure désormais parmi les métiers artisanaux les plus recherchés, notamment en milieu urbain, selon les données du ministère de l’Artisanat et les analyses de l’ANAPEC. Pourtant, le secteur souffre d’un paradoxe structurel : une forte demande, mais un manque notable de main-d’œuvre véritablement qualifiée. En l’absence de données chiffrées officielles sur le nombre de professionnels actifs dans la plomberie au Maroc, on sait néanmoins que la majorité exerce dans l’informel, parfois après un simple apprentissage de terrain, sans réelle formation diplômante. Ce déficit d’encadrement pèse lourd sur la qualité des prestations, mais aussi sur les conditions de travail des plombiers eux-mêmes. «La plupart exercent à leur compte, sans couverture sociale ni protection juridique, dans une économie parallèle où ni la sécurité ni la valorisation ne sont garanties. Résultat : malgré leur utilité indiscutable, les plombiers restent en bas de l’échelle des métiers du bâtiment. Et faute de perspectives solides, les jeunes continuent de bouder cette voie pourtant porteuse d’emploi», nous confie un expert du bâtiment.
Cette absence de valorisation est d’autant plus injuste que le métier de plombier a profondément évolué. «Le plombier d’aujourd’hui est un technicien spécialisé et aguerri, qui devrait être capable de lire des plans, de respecter les normes de sécurité, de manipuler différents matériaux et d’intervenir dans des systèmes de plus en plus complexes, notamment dans les installations intégrées de plomberie-chauffage ou dans les équipements de performance énergétique», poursuit notre interlocuteur. Pourtant, cette montée en compétence n’a pas été suivie d’un saut qualitatif en matière de reconnaissance professionnelle. Dans le secteur formel, les salaires plafonnent généralement entre 3.000 et 5.000 dirhams mensuels. Les plombiers indépendants peuvent parfois mieux s’en sortir, mais au prix d’une instabilité chronique, souvent sans protection sociale ni retraite. À l’inverse, «en Europe ou en Amérique du Nord, les plombiers qualifiés bénéficient de statuts solides, de conventions collectives protectrices et de rémunérations confortables dépassant régulièrement plusieurs milliers d’euros par mois».
Pourtant, les leviers existent pour revaloriser ce métier. L’OFPPT, notamment, propose plusieurs filières de formation en plomberie sanitaire, du niveau qualification au niveau technicien spécialisé. Ces parcours permettent d’acquérir des compétences solides et de s’insérer, au moins théoriquement, dans le marché du travail structuré. Mais en réalité, les plombiers formés peinent souvent à trouver un emploi formel, et finissent par rejoindre les rangs de l’auto-entrepreneuriat (voir interview) ou de l’informel, faute de débouchés organisés. Le secteur souffre aussi de l’absence d’un encadrement clair et d’une stricte application des lois et règlementations en vigueur. Dans ce contexte, moderniser le métier implique un véritable changement de paradigme : il ne s’agit plus seulement de former, mais de structurer une filière, de créer des passerelles entre formation, emploi et entrepreneuriat, et de doter le métier d’un cadre normatif à la hauteur de son rôle dans la société. Car, en définitive, le plombier est bien plus qu’un ouvrier du tuyau : c’est un acteur clé de la santé publique, de la gestion de l’eau et du confort de vie durable.
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- Avec l’évolution des méthodes de construction et des technologies, le métier de plombier a rapidement évolué à travers le monde. Est-ce également le cas au Maroc ?
– Il est certain que le métier de plombier a changé d’image pour passer d’un artisan (qui se focalisait principalement sur des problèmes de tuyauterie, de raccordement ou d’assainissement) à un véritable technicien spécialisé qui intervient bien au-delà. C’est le cas dans les pays froids par exemple, puisque le plombier est chargé de maintenir le chauffage central des habitations, d’intervenir pour améliorer l’efficacité énergétique ou encore à devoir gérer des infrastructures digitalisées. Si le niveau de vie d’un plombier dans les pays occidentaux est bien supérieur qu’au Maroc, le plombier marocain est généralement aussi compétent que son homologue occidental. Il arrive même que le plombier au Maroc soit plus compétent, puisque son métier se base sur les mêmes standards et savoirs.
- Justement, comment faire pour que le plombier marocain puisse améliorer son image et ses revenus au Maroc ?
– Il y a plusieurs pistes potentielles. D’abord, les marchés publics impliquant des prestations de plomberie devraient permettre à des entreprises de moyenne et petite taille de participer. Il serait également pertinent de revoir les références tarifaires liées au matériel et à la main d’œuvre. Avec l’inflation, les prix ont augmenté au niveau mondial dans tous les secteurs et le marché de la plomberie n’est pas exclu. Il n’est pas juste de proposer des offres alignées sur des prix qui sont devenus obsolètes… L’autre levier potentiel est d’améliorer l’accès aux formations et de reformer le statut d’entrepreneur qui était très prometteur au début, mais qui le semble beaucoup moins actuellement…
- Quels sont les aspects à améliorer dans le statut d’auto-entrepreneur pour avoir un impact positif sur les personnes qui s’activent dans le domaine de la plomberie ?
– Au début, le statut d’auto-entrepreneur avait pour objectif d’encourager les travailleurs de l’informel à passer vers le formel. Il était question alors d’incitations fiscales très intéressantes. Malheureusement, cela n’a pas continué puisqu’on a rapidement décidé d’augmenter l’imposition des auto-entrepreneurs. Cela ne s’est pas fait progressivement et au final un très grand nombre d’auto-entrepreneurs se sont retrouvés avec des reliquats très lourds d’impôts à payer. C’est vraiment dommage, car ce statut n’est plus aussi attrayant qu’auparavant. L’Etat devrait revoir son approche, pour que le statut d’entrepreneur redevienne un levier de lutte contre l’informel et d’accompagnement de travailleurs souvent vulnérables, plutôt qu’un outil d’extraction de l’impôt.
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