Il paraît qu’il écrit pour raconter la douleur du monde et qu’il peint pour montrer la lumière du monde. Bienvenue dans l’univers de l’expression forcée, de la haute voltige, des vols caressant le rase-mottes. Et c’est le Musée Mohammed VI d’art moderne et contemporain qui invite, du 8 avril au 30 juin, à ce non-évènement boursouflé de salamalecs intitulé « de l’écriture à la peinture. Tahar Ben Jelloun artiste-peintre ! Voilà qui fait pouffer. Et dire qu’il n’est pas à son premier essai. L’écrivain au parcours en dents de scie, quelque temps « arabe de service » sur les chaînes de la télévision française, expose dans un passé relativement récent au Maroc et à l’Institut du monde arabe à Paris. Résultat : on pouffe. Mais son statut de peintre tardif prend ses racines dès l’enfance. Et c’est douloureux, puisque la vie se lègue contre lui. Il raconte, en 2022 : « Dans les années 1950 à Fès, l’horizon était limité. Pas de cinéma, pas de musée, pas de théâtre, pas de music-hall. Il fallait tout imaginer. Je décidai alors d’attribuer une couleur à chaque jour de la semaine : lundi, gris foncé ; mardi, gris léger tendant vers le bleu ciel ; mercredi, vert ; jeudi, jaune ; vendredi tantôt blanc tantôt orange ; samedi, bleu azur. » Le dimanche, il lâche prise ? Pour le cinéma, Tahar Ben Jelloun arrive un brin tard, puisque le centre-ville de Fès compte, au début des années 1950, cinq salles : le Bijou, le Triomphe, le Rex, l’Empire et le Vox. C’est, décidément, de la persécution. Jeune, il n’a rien ; adulte, il se rattrape. Mais quel forfait commettons-nous, nom d’une couleur ? Plutôt quel coloriage.
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