Ancien eurodéputé, Aymeric Chauprade, qui connait bien le Rassemblement national, revient sur les enjeux de la présidence RN du groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale. Entretien.
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-Pour la première fois, le RN préside le groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale. A votre avis, pourquoi le RN a tant insisté pour présider ce groupe ?
Il y a une grande logique dans tout cela. Le Maroc est considéré au Rassemblement national comme un pays allié de la France et un partenaire stratégique de premier plan. Il faut bien comprendre que le RN n’est pas un parti européiste, c’est-à-dire qu’il n’a jamais réduit l’horizon de la France à la seule appartenance à l’Union européenne.
Bien au contraire, le RN est très attaché à l’héritage des liens historiques et traditionnels de la France, à la Francophonie, à tous les pays avec lesquels nous avons partagé des moments d’histoire commune. Aux yeux du RN, le Maroc est un modèle de développement, d’équilibre entre une tradition islamique éclairée et une modernisation de la société marocaine voulue par Sa Majesté Mohammed VI, et de sécurité en Méditerranée et en Afrique du Nord. Et puis il faut bien le dire, même si le RN est un parti républicain, beaucoup des intellectuels qui en font partie ou gravitent autour ont un respect évident pour l’ancienneté de la monarchie marocaine, pour sa légitimité très forte qui apporte de la stabilité au Royaume, et pour la qualité des élites marocaines aussi. Pour toutes ces raisons je ne suis pas surpris que le RN ait autant tenu à présider le Groupe d’amitiés France-Maroc.
-Beaucoup de gens s’interrogent au Maroc sur l’intérêt visible et la sympathie que porte le Rassemblement national pour le Royaume. Comment vous l’expliquez ?
Comme je l’ai dit précédemment on peut expliquer cet intérêt par un mélange de respect et de fascination pour l’histoire du Maroc et pour le modèle de développement contemporain qu’offre le Maroc à l’ensemble des pays musulmans, mais aussi par la conviction que l’intérêt de la France est de soutenir le Maroc dans son rôle de premier partenaire stratégique de l’Afrique du Nord. Un pôle de stabilité et de sécurité, des services marocains très efficaces aussi dans la lutte contre le terrorisme, et bien sûr beaucoup d’opportunités économiques pour la France.
Enfin et « last but not least », le RN a constamment et depuis toujours soutenu la marocanité du Sahara, ceci sans failles et inlassablement. On peut se réjouir que ce soit la politique officielle de la France depuis l’année dernière avec une position enfin claire du président Macron, mais il ne faut pas oublier que le seul parti qui, sans équivoque et depuis toujours, soutient le Maroc dans la reconquête de sa souveraineté fut hier le Front national et aujourd’hui le Rassemblement national.
-Le choix de Hélène Laporte a soulevé beaucoup de questions dans la presse marocaine. S’agit-il, à votre avis, du bon choix ?
Je comprends ce débat. Hélène Laporte est une députée courageuse engagée dans la défense de son agriculture locale. Qui peut la blâmer ? Chacun défend ses intérêts nationaux et régionaux et c’est bien naturel. Cette dame défend la tomate du sud-ouest et il est vrai que la tomate marocaine représente une concurrente sérieuse. Je pense qu’il faut dépasser cela. Le Maroc a une politique souverainiste, il défend ses intérêts et le RN suit exactement la même philosophie. Ce qui unit le Maroc et le RN est bien supérieur à cette querelle sur les tomates. Nous parlons d’une alliance stratégique face peut-être demain au risque que peut représenter le comportement belliciste de l’Algérie pour les deux pays amis, le Maroc et la France. Le RN est ainsi le parti qui n’a jamais sous-estimé le risque que représente le régime algérien pour la stabilité de toute la sous-région mais aussi pour la sécurité intérieure de la France.
Maintenant sur le choix précis de Madame Laporte pour la présidence c’est un sujet qui pouvait en effet se discuter. N’aurait-il pas été plus pertinent de nommer quelqu’un qui n’était pas engagé sur un sujet de désaccord entre les deux pays ? Oui sans doute, mais on peut aussi soutenir que le RN ne pratique pas la politique de la poussière sous le tapis. S’il y a des désaccords il ne les cache pas. Entre deux pays vous ne trouverez jamais un accord parfait sur 100% des sujets. Ce qui compte c’est que chacun sait que la part d’accord est infiniment plus grande que la part de désaccord. Maintenant on peut espérer que Madame Laporte saura elle-même mettre son sujet régional en dessous des intérêts nationaux communs des deux pays. Il appartient à la présidente du Groupe RN à l’Assemblée nationale de le lui rappeler le cas échéant…
-Le RN a de fortes chances de remporters les élections présidentielles d 2027. Marine Le Pen peut-elle aller plus loin qu’Emmanuel Macron en ce qui concerne le Maroc ?
Je suis convaincu que Marine Le Pen ferait du Maroc un partenaire stratégique de haut niveau. Marine Le Pen souhaite une politique africaine complètement refondée, loin de la Françafrique, de ses magouilles et de ses arrogances. Le Maroc est lui-même une grande puissance africaine et ceci grâce à la vision de sa Majesté. La France et le Maroc pourront agir de concert sur le continent africain en faveur de la stabilité et du développement. Il faut travailler la main dans la main sur ces sujets en particulier en Afrique occidentale et centrale.
Par ailleurs, comme vous le savez le RN mènera une politique contre le fondamentalisme religieux très ferme et pour le contrôle des flux migratoires. Il espère une coopération forte du Maroc sur ces sujets d’intérêts communs. Enfin la politique française, évidemment poursuivie et amplifiée par Marine Le Pen, de soutien à la marocanité du Sahara permettra la poursuite du développement des provinces du Sud avec des investissements français accrus.
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