Le démantèlement de la cellule de Had Soualem a démontré à quel point le Sahel est devenu l’épicentre de la menace terroriste qui guette le Royaume. Décryptage.
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Cette mutation terroriste est inquiétante. Ce phénomène se fait sentir de plus en plus dans les régions périphériques, comme les terroristes préfèrent toujours opérer à l’abri des regards des services de sécurité, d’où le choix d’une ville comme Had Soualem, qui est loin d’éveiller les soupçons.
Contrairement aux décennies précédentes où le terrorisme et toutes les formes d’intégrisme nous arrivaient du Moyen Orient ou d’Afghanistan, la menace s’approche de plus en plus, au point de s’installer durablement au Sahel, où les groupes terroristes élisent domicile une fois pour toutes.
Le Maroc devient naturellement une cible privilégiée, vu que c’est l’un des rares pôles de stabilité en Afrique de l’Ouest et au Maghreb. Le cas de la cellule de Had Soualem est révélateur. Ses membres ont déclaré allégeance à l’Etat islamique au Sahel et comptaient rejoindre ses camps au Sahel une fois leur attentat exécuté. Le Sahel devient manifestement une base arrière des projets ciblant le Royaume.
En témoignent les chiffres du BCIJ selon lesquels près de 80 cellules démantelées depuis 2016 au Royaume avaient des liens avec des groupes au Sahel. Aujourd’hui, les services de Renseignement ont l’intime conviction que Daech est durablement installé dans la bande sahélo-saharienne, devenue l’épicentre du terrorisme international, vu le gigantisme des zones de non-droit qui échappent au contrôle des Etats de la région.
Affaiblis au Moyen Orient, où ils ont été vaincus en Syrie et en Irak, Daech et Al Qaïda se sont déplacés. Par conséquent, le Sahel est devenu incontestablement une destination privilégiée des personnes tentées par l’aventure terroriste. Les combattants d’origine marocaine y vont de plus en plus rejoindre les camps des différents groupes affiliés à Daech et Al Qaïda. Le BCIJ estime qu’il y aurait 130 combattants salafistes marocains, partis dans la bande sahélo-saharienne du Sahel, jusqu’en Somalie, depuis 2022. La tendance s’est inversée pendant ces dernières années, alors qu’on était plus habitué à voir les candidats partir vers le Moyen Orient, notamment en Syrie où plusieurs anciens combattants et leurs familles sont encore sous les verrous dans les camps de réfugiés.
Le Sahel est aujourd’hui en proie à une instabilité chronique. Les groupes terroristes en profitent pour élargir leurs zones de contrôle. Là, la plupart des groupes sont affiliés à Daech et à Al-Qaïda. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) sont les plus puissants. L’EIGS ne semble pas avoir été affaibli par la liquidation de son ancien chef, Adnane Abou Walid al-Sahraoui, un ancien du Polisario, tué en 2021 dans une frappe des troupes françaises. Son successeur, Abou al-Bara al-Sahraoui, aurait lui-même des liaisons avec le front séparatiste qui s’est transformé au fil des décennies précédentes en un pourvoyeur des seigneurs de guerre terroristes, selon Cherkaoui Habboub, qui a mis en garde contre la menace du Polisario dans une interview accordée précédemment à «L’Opinion».
Pour sa part, l’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique) reste tout aussi actif bien qu’il soit moins nuisible que les autres. Plus à l’Est, l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) est plus présent au Tchad. Il arrive souvent que ces groupes s’affrontent entre eux comme ce fut le cas en 2022 lorsque des combattants d’Al Qaïda avaient tenté de chasser leurs rivaux de l’EIGS du Nord du Mali. L’EIGS reste pourtant très dominant. Il règne par la terreur en concentrant plus de la moitié de ses attaques contre les civils, selon les données du Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
En gros, le point commun entre tous ces groupes est leur implantation dans la région dite des trois frontières (entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger) après le départ des troupes françaises qui ont été chassées par les nouveaux régimes qui ont pris le pouvoir depuis 2021.
Cette effervescence terroriste est exacerbée par un contexte propice où les Etats de la région peinent à contrôler leurs territoires et à restaurer l’ordre. Les nouveaux régimes militaires qui ont pris le pouvoir dès 2021 au Mali, au Burkina Faso et au Niger n’arrivent pas à vaincre les groupes terroristes et les mutineries séparatistes en dépit de l’aide des Russes de Wagner, rebaptisés désormais Africa Corps. Cette stratégie ne semble pas payante, souligne Dominique Trinquand, ancien Chef de la mission militaire de la délégation française à l’ONU. “Wagner, ce sont des mercenaires dont les déboires militaires prouvent leur incapacité à venir en aide aux régimes en place”, explique le général qui connaît bien les subtilités de la région. Les miliciens russes semblent en difficulté au Mali où ils ont perdu des dizaines de combattants dans des embuscades meurtrières.
Après s’être ligués dans Alliance des États du Sahel (AES), les trois pays de la région se démènent tant bien que mal pour chasser les terroristes et les groupes qu’ils jugent séparatistes. La bataille est loin d’être gagnée. Face à un tel degré de menace, le Maroc renforce sa veille sécuritaire, au moment où son commerce transsaharien est de plus en plus ciblé au Mali et au Burkina Faso (voir repère).
Le Royaume a renforcé ses relations avec les régimes en place dont il semble gagner la confiance. En témoigne la réussite de son entremise fructueuse qui a permis la libération des otages français au Burkina Faso, le 19 décembre dernier. L’influence du Royaume au Sahel est souhaitable, rappelle M. Trinquand, ajoutant qu’il y a un énorme besoin de raffermir la coopération interafricaine, à la fois au niveau sécuritaire et économique. “L’initiative du désenclavement du Sahel s’inscrit dans cette logique et doit être soutenue”, conclut notre interlocuteur.
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- Les nouveaux régimes au Sahel continuent de faire face aux groupes terroristes sans la France qu’ils ont contrainte à partir. Peuvent-ils y arriver après avoir uni leurs forces ?
- Les Etats de la région font appel à la Russie pour mater les rébellions et les groupes terroristes. Jusque-là, la tâche semble aussi difficile qu’auparavant malgré le soutien opérationnel du groupe Wagner qu’on appelle désormais Africa Corps. S’agit-il d’un échec ?
- Après son départ du Mali et du Burkina Faso, la France a quitté il y a quelques jours le Tchad où elle fut si enracinée depuis très longtemps. Quelle conséquence cela peut-il avoir sur la situation dans la lutte anti-terroriste dans la région ?
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Cela fait des années que le commerce transsaharien du Royaume est ciblé au Sahel. Les convois de camionneurs sont de plus en plus visés par des groupes terroristes, que ce soit au Mali ou au Burkina Faso. Les attaques se font de plus en plus nombreuses depuis le début de l’année. Le 8 janvier, une trentaine de camionneurs ont été pris au piège dans un affrontement entre les troupes maliennes et des bandes armées à la frontière entre le Mali et la Mauritanie. Cet incident a rappelé la mort d’un camionneur marocain en 2021 dans une attaque perpétrée par des groupes cagoulés qui a fait trois autres blessés.
Le 18 janvier 2025, quatre camions conduits par des camionneurs marocains ont été retrouvés par l’Armée du Niger quelques jours après avoir été enlevés par des individus inconnus sur la route entre Dori (Nord-Est du Burkina) et Téra (Ouest du Niger). Les familles des disparus ignorent toujours leur sort.
« Malheureusement, les ressortissants marocains enlevés restent introuvables à ce stade », selon une source citée par l’AFP, rappelant que ces derniers transportaient des équipements destinés à la Société nigérienne d’électricité (NIGELEC, publique) et qu’ils circulaient « sans escorte » de sécurité.
L’Armée nigérienne a intensifié ses recherches, selon la même source, en multipliant les missions de reconnaissance dans la région en « collaboration » avec ses voisins.
La zone de Téra est le lieu d’attaques jihadistes meurtrières et régulières. Des groupes armés affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique sont actifs depuis une dizaine d’années au Niger, au Burkina Faso et au Mali.
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