Le Maroc a fait appel au marché international pour combler ses besoins en huile d’olive et stabiliser son prix, après une baisse de la production nationale. Plus de 30.000 tonnes ont été importées à cet effet, mais cela a-t-il été suffisant pour améliorer l’accessibilité à cette denrée précieuse ?
Cette situation n’est d’ailleurs pas exclusive au Maroc. Au cours des deux dernières campagnes, une baisse mondiale de la production de 22% a été observée par rapport à la campagne 2021/2022.
Bien que la baisse de la production soit générale, certaines régions ont été particulièrement touchées, à l’instar de la ville de Taza. “La récolte n’a jamais été aussi faible qu’aujourd’hui. Autrefois, les rendements étaient mesurés en tonnes, mais cette année, les oliviers ne nous ont donné presque rien, et ce, en raison de la baisse des précipitations couplée à la hausse des températures”, raconte sur un ton nostalgique un oléiculteur dans une zone aride de la ville. Tout comme le reste des producteurs dont l’activité dépend de la générosité du ciel, notre interlocuteur aspire à une amélioration de la pluviométrie pour garantir la survie des oliviers et l’augmentation de la récolte nationale.
Selon les données du ministère de l’Agriculture, la consommation intérieure annuelle d’olives varie entre 130.000 et 140.000 tonnes. Ainsi, les besoins d’importation pour la campagne 2024/2025 ont été estimés à 30.000 tonnes. À cela s’ajoutent les importations régulières dans le cadre des accords commerciaux du Maroc, notamment avec l’Union Européenne, la Tunisie et la Turquie, depuis lesquels le Royaume importe environ 10.000 tonnes d’huile d’olive.
Afin de garantir le succès de cette opération exceptionnelle, le ministère a mis en place plusieurs mesures, dont la suspension des droits douaniers d’importation jusqu’au 31 décembre 2024 pour un contingent limité à 10.000 tonnes, ainsi que le maintien de la licence d’importation pour l’huile d’olive jusqu’à cette même date.
À long terme, le département d’Ahmed El Bouari a décidé de suspendre les droits d’importation et la TVA sur un contingent de 20.000 tonnes, jusqu’au 31 décembre 2025, conformément à la Loi des Finances 2025. Ces mesures visent à encourager l’importation d’huile d’olive de qualité supérieure, notamment l’huile d’olive vierge et extra-vierge de très bonne qualité, pendant l’année en cours.
Ces initiatives ont attiré l’intérêt de plus de 80 opérateurs commerciaux, qui ont activement participé à cette opération d’importation d’huile d’olive, selon le ministère.
Un prix plutôt accessible, mais pas pour tout le monde
A ce stade, le ministère de tutelle a affirmé que l’importation contrôlée de cette denrée a permis de garantir la disponibilité d’huile d’olive sur le marché et de stabiliser son prix, par rapport à l’année précédente, permettant au Royaume d’éviter le pire. Certes, l’ouverture à l’importation n’a pas ramené le prix d’huile d’olive au niveau des années antérieures, quand l’huile d’olive ne coûtait pas plus de 50 dirhams le litre, mais il a permis au moins de réduire la pression sur le produit local désormais rare, permettant aux ménages de s’en procurer à des prix plus accessibles allant jusqu’à 80 dhs/litre dans certaines régions.
Bien que l’impact de cette mesure ait été ressenti par une partie des ménages parvenant encore à se procurer de l’huile d’olive, d’autres sont contraints de s’en passer en raison de leur faible pouvoir d’achat. “Alors qu’on consommait une dizaine de litres par an, cette année nous n’en avons pas acheté. Le prix du litre équivaut désormais à notre panier hebdomadaire”, déplore un quadragénaire qui, comme de nombreux ménages, a dû changer ses habitudes alimentaires en raison de la situation du marché.
En ce qui concerne le prix du produit local, notre interlocuteur attribue son augmentation à la baisse de la production et à l’augmentation du prix du kilogramme. “Les olives ont atteint 5 dirhams/kg, sachant qu’il faut au moins 5 kilos pour produire un litre d’huile, sans compter les coûts de la main d’œuvre et de trituration”, explique Abdelali Zaz, qui se montre d’ailleurs optimiste quant à la prochaine saison oléicole.
Selon les oléiculteurs, l’avenir de la culture de l’olivier dépend largement de l’action du gouvernement, qui doit intervenir pour sauver les oliviers restants et, par conséquent, préserver l’activité de milliers d’oléiculteurs à travers le Royaume, et ce, en leur facilitant l’accès à l’eau d’irrigation, en attendant une amélioration des conditions pluviométriques.
Dans cette optique, le ministère de l’Agriculture a réaffirmé son engagement à soutenir les producteurs locaux par le biais des mesures prévues dans le contrat-programme dédié à la filière oléicole en vue de préserver leur activité et garantir une meilleure production d’olives dans le cadre de la prochaine campagne agricole.
- Quels sont les critères essentiels que les importateurs doivent respecter pour introduire de l’huile d’olive sur le marché national ?
- Malgré le recours à l’importation, le prix d’huile d’olive reste toujours inaccessible pour les ménages à faible pouvoir d’achat. Comment expliquez-vous cela ?
En référence au Conseil Oléicole International (COI), le prix moyen des exportations vers le monde de l’huile d’olive de l’Union Européenne était de 881 € les 100 kg en septembre 2023 pour l’huile d’olive vierge et 930 € les 100 kg pour l’huile d’olive vierge extra.
- Quelles sont vos perspectives concernant la prochaine saison oléicole ?
Il faut savoir que la filière oléicole représente la principale culture fruitière du Maroc. Avec une superficie de 1,2 million d’hectares, les oliviers constituent 65% de l’arboriculture nationale. En plus de l’augmentation de la production, ce contrat-programme prévoit d’atteindre une production industrielle de 270.000 tonnes d’olives de table, ainsi que l’exportation de 100.000 tonnes d’huile d’olive et d’huile de grignons d’olive. Par ailleurs, il ambitionne d’exporter 150.000 tonnes d’olives de table et de renforcer les capacités de trituration de 600.000 tonnes, ainsi que d’augmenter les capacités de conserves d’olives à hauteur de 50.000 tonnes.
Le secteur offre également une source majeure d’emplois, en générant plus de 51 millions de journées de travail par an, ce qui équivaut à environ 380 000 emplois permanents. Cela démontre son importance pour la stabilité socio-économique, notamment dans les zones rurales.
Avec une superficie cultivée de plus d’un million d’hectares, l’oléiculture couvre une grande partie du territoire marocain, à l’exception de la bande côtière Atlantique. En 2019-2020, la production d’olives a atteint 1,409 million de tonnes, bien qu’elle ait connu une baisse lors des dernières campagnes agricoles. Ce secteur se distingue par la culture de la variété « picholine marocaine », qui représente 96 % des plantations.
Les principales régions productrices sont Fès-Meknès et Marrakech-Safi, qui à elles seules couvrent 54 % de la surface totale cultivée. Le secteur de la transformation, avec près de 11 000 unités traditionnelles (Maâsras) et 948 unités modernes et semi-modernes de trituration, a une capacité de production impressionnante, dépassant 2,07 millions de tonnes par an. En outre, la présence de 75 conserveries d’olives démontre l’importance de ce secteur pour l’économie nationale.
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