Dans ce discours, S.M le Roi a réaffirmé que la question des MRE constitue une priorité nationale de premier plan. Le Souverain a mis en avant leur rôle crucial dans le développement économique, social et culturel du pays, appelant à renforcer leur contribution à travers des mécanismes de gestion renouvelés et plus efficaces. Le discours du 6 novembre a également mis l’accent sur le rôle central des MRE dans la défense des intérêts nationaux. Cette reconnaissance Royale confirme que la diaspora marocaine est perçue non seulement comme un acteur économique de poids, mais aussi comme un ambassadeur des valeurs et de l’identité marocaines à l’échelle mondiale.
Libé : Vous soulevez dans vos analyses une critique récurrente concernant l’immobilisme dans la gestion du dossier des Marocains résidant à l’étranger (MRE). Pouvez-vous préciser votre point de vue sur cette question ?
Abdelkrim Belguendouz: Effectivement, il s’agit d’une problématique structurelle persistante. Nous assistons depuis plusieurs années à la répétition des mêmes discours et promesses de la part du gouvernement, mais sans résultats tangibles. Ce constat d’immobilisme concerne principalement l’absence de changements notables malgré de nombreuses réunions et initiatives annoncées. Ce cycle de répétition traduit un manque de volonté politique et de suivi concret. Les acteurs en charge du dossier sont souvent les mêmes, ce qui maintient une approche figée, sans innovation ni remise en question des méthodes utilisées.
Quelles solutions proposez-vous pour rompre avec cette inertie structurelle ?
La première étape serait de renouveler les figures impliquées dans la gestion de ce dossier et d’adopter une approche innovante. Les discours sont nécessaires pour fixer des orientations, mais ils doivent impérativement être suivis de mesures concrètes. Il faudrait instaurer des mécanismes de suivi transparents, avec des délais réalistes, mais stricts. Des indicateurs de performance clairs et une évaluation régulière par une instance indépendante sont indispensables pour s’assurer que les réformes annoncées sont effectivement mises en œuvre.
Vous mentionnez que les discours Royaux, notamment celui du 20 août 2022, n’ont pas été suivis d’une feuille de route claire. Pourquoi ces rappels restent-ils lettre morte, selon vous ?
Le discours Royal du 20 août 2022, comme plusieurs autres auparavant, a effectivement interpellé sur l’importance des MRE. Toutefois, l’absence de vision stratégique et de coordination entre les différentes institutions concernées reste un obstacle majeur. Les rappels réguliers sans suivi concret créent une frustration légitime parmi la diaspora. Pour éviter cela, chaque initiative annoncée devrait être accompagnée d’indicateurs précis et faire l’objet d’un suivi rigoureux. La mise en place d’un cadre de responsabilité est essentielle pour que les engagements pris ne restent pas de simples déclarations.
Le discours du 6 novembre met en avant l’importance stratégique des MRE, juste après la question de l’intégrité territoriale. Pourquoi cette priorité symbolique ne se traduit-elle pas en actions concrètes ?
C’est une question cruciale. Les discours du 6 novembre, notamment en lien avec la Marche Verte, soulignent toujours le rôle central des MRE dans la défense des intérêts nationaux. Cependant, cette reconnaissance reste souvent symbolique. Les actions concrètes pour mobiliser leur potentiel économique sont insuffisantes. Pour que cette priorité devienne réelle, il est impératif de créer des outils adaptés, comme une « banque de projets » dédiée aux MRE. De plus, la mise en place de partenariats public-privé pourrait faciliter leurs investissements dans des secteurs clés. Les services consulaires doivent également être renforcés pour mieux accompagner les MRE dans leurs démarches administratives et projets d’investissement.
La gouvernance semble aussi poser problème. Vous avez évoqué des retards dans le renouvellement des membres du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME). Quelles sont vos recommandations à ce sujet ?
Le CCME, dont le renouvellement est en retard depuis 2011, est un exemple frappant des dysfonctionnements structurels. La création de la Fondation Mohammedia pour les MRE, qui remplace la Fondation Hassan II, est perçue comme une réforme, mais elle reste insuffisante sans une redéfinition claire de ses missions. Il est nécessaire de revoir en profondeur la gouvernance de ces structures, en clarifiant les rôles et en améliorant la coordination entre les différentes institutions. La nouvelle fondation devrait avoir des missions précises et élargir ses interventions au-delà des aspects culturels et religieux, en incluant un soutien concret à l’entrepreneuriat et à l’investissement des MRE.
Comment garantir une meilleure représentativité des MRE dans les processus de décision ?
Les MRE doivent être impliqués directement dans les processus décisionnels. Cela passe par des mécanismes de consultation régulière et la création de plateformes participatives. Il est également essentiel de renforcer les représentations économiques marocaines à l’étranger. Les consulats, souvent sous-dotés en ressources humaines et financières, doivent être restructurés pour offrir un meilleur accompagnement aux MRE. La création de bureaux d’investissement spécialisés au sein des consulats pourrait faciliter leurs démarches et promouvoir les opportunités au Maroc.
En conclusion, quelles mesures prioritaires recommanderiez-vous pour transformer la diaspora marocaine en véritable levier de développement ?
Tout d’abord, il est crucial de passer des discours aux actions concrètes. La gestion des dossiers liés aux MRE nécessite une volonté politique ferme et une vision stratégique claire. Il faut lever les obstacles bureaucratiques, renforcer la transparence, et créer des mécanismes de suivi rigoureux. L’amélioration des services consulaires, la mise en place d’une banque de projets, et l’implication des MRE dans les processus décisionnels sont autant de mesures essentielles. En valorisant le potentiel économique de la diaspora, le Maroc pourrait véritablement transformer cette communauté en moteur de développement national.
Propos recueillis par Hassan Bentaleb Lire également notre dossier: Le Maroc pays d’émigration
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