Jusqu’au 4 janvier 2025, la galerie casablancaise 38 accueille une rétrospective « Une vie, une œuvre » de l’artiste bouillonnant et taiseux à la fois. Un parcours multi et exceptionnel est mis en lumière pour découvrir, sans fracas, une vie faite de dits et de beaucoup de non-dits. Avec cela, une bonhomie déconcertante.
D’abord par son drapé, ensuite de par ce qu’elle engrange comme histoire (s). Le drapé est vite jeté derrière la vallée de l’oubli mais la pluralité de l’histoire n’est pas prête à nous draper de l’oubli. Moderne et fauve dans son approche, Mustapha Hafid est ainsi croqué en 1997 par le journaliste-critique-écrivain Mohamed Jibril (puisqu’une rétrospective permet de piocher dans le temps) : « Longtemps la peinture de Hafid semblait être confrontée au silence des choses. Sur ses grandes surfaces où des formes transfuges sont traversées de stries noires ou de fulgurances vives, la perception est sollicitée bien plus que l’émotion.
Nul doute que l’artiste cherche moins à exprimer un affect sombre qu’à pénétrer le cœur insondable et opaque de la présence des choses. En cela, sa peinture est de l’ordre de l’instinctif, de l’intuitif, de l’immédiat. Elle est un travail de captation de la densité des matières et des rapports, harmonieux ou dissonants, qui en résulte (…) Nul froideur cependant et nul détachement cérébral : on a là à une adhérence à la densité, ou plutôt au jeu de densités diverses. D’où chez Hafid, cette passion des nuances, cette richesse des tons d’une même couleur, cette rythmique des matières et des reliefs, ces passages des aplats aux couches épaisses et granulées. Aux densités diverses correspondent des opacités et des silences divers. » L’artiste suscite des réflexions et des questionnements. Son parcours grandement académique le prouve.
Cette belle et généreuse plage de citation confirme la présence esthétique et par moments rebelle de l’artiste enveloppé d’impressions polonaises et définitivement universelles. Né il y a longtemps, il décide de continuer à nous surprendre. Mustapha Hafid acquiert, à travers son œuvre, une nouvelle respiration, tout en demeurant fidèle à elle même, nous dit Jibril. Et puis voilà. Cet artiste est une pépite qui ne connait pas essentiellement le jus qu’elle distille. On espère le revoir dans un atelier ou dans un quelconque autre espace pour nous faire revivre un art assumé, pas forcément lié à l’Ecole de Casablanca ou du manifeste de 1969 de Marrakech. Jamaâ El Fna ne s’en rappelle que par ouïdire. Mais c’est tout de même un pan de l’histoire d’un art qui se révolte avec art. Hafid ne s’en détache pas.
L’Opinion Maroc – Actualité et Infos au Maroc et dans le monde.Read More