Bachar al-Assad « n’a pas prêté suffisamment d’attention aux recommandations de la République islamique », fustige dans une critique encore impensable il y a quelques jours l’agence de presse iranienne Fars.
La Syrie et l’Iran entretiennent des liens amicaux de longue date, à la faveur d’un rapprochement opéré dans les années 1970 par Hafez al-Assad, le père de Bachar, bien avant l’avènement de la République islamique d’Iran.
Ces liens se sont encore renforcés durant la guerre Iran-Irak (1980-1988), lorsque la Syrie a été le seul pays arabe à se ranger du côté du pouvoir à Téhéran face à l’ex-président irakien Saddam Hussein.
Cette décision a jeté les bases d’un partenariat stratégique, qui a connu son apogée avec le soutien financier et militaire de l’Iran pour épauler l’armée de Bachar al-Assad durant la guerre civile syrienne.
« Les événements en Syrie ouvrent un nouveau chapitre », a résumé la télévision d’Etat iranienne, multipliant les critiques à l’encontre de l’ex-homme fort de Damas depuis la prise du pouvoir par des rebelles islamistes, réputés proches de la Turquie.
Des « terroristes » pour Téhéran au début de leur offensive éclair, puis des « opposants » à mesure qu’ils se rapprochaient de la capitale Damas et que le pouvoir basculait.
« Certains opposants ne font pas partie de groupes terroristes », a tenté de justifier dimanche le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi.
« Nous avons encouragé des discussions entre le gouvernement (de Bachar al-Assad) et l’opposition », a-t-il insisté, actant un changement subtil de la position officielle.
Des photos peu élogieuses de Bachar al-Assad sont publiées lundi par une bonne partie de la presse iranienne.
Le dirigeant déchu avait un « régime autoritaire et répressif », ose le journal Ham Mihan.
« Le choix du peuple syrien », titre pudiquement Iran le quotidien du gouvernement, tandis que « le crépuscule en Syrie » s’affiche en une du journal anglophone Tehran Times.
La chute du clan Assad, qui a gouverné d’une main de fer la Syrie pendant un demi-siècle, est un coup dur pour l’Iran qui s’est investi politiquement, financièrement et militairement en Syrie mais voit désormais ses intérêts menacés.
La Syrie a été « livrée aux convoitises iraniennes », au « sectarisme et à la corruption », a fustigé dimanche le chef des rebelles syriens, Abou Mohammad al-Jolani, nouvel homme fort du pays.
Pour « conserver une influence en Syrie », l’Iran devra « fondamentalement changer sa politique », prévient l’universitaire Mehdi Zakerian, un expert des relations internationales basé à Téhéran.
Dimanche, son ambassade à Damas a été saccagée par des individus, un acte jusque-là inimaginable dans un pays allié.
Dans son premier commentaire après le changement de pouvoir à Damas, l’Iran a dit souhaiter la poursuite de « relations amicales » avec la Syrie, insistant sur leur « longue histoire ».
Mais cela dépendra en partie « du comportement des acteurs » sur le terrain, insistait le communiqué de la diplomatie iranienne.
Avec la chute de Bachar al-Assad, l’Iran perd un maillon essentiel de son « axe de la résistance » face à Israël, au moment où son allié le Hezbollah apparaît fragilisé au Liban après des semaines de combat contre l’armée israélienne.
L' »axe de la résistance » réunit autour de l’Iran des groupes armés unis dans leur opposition à Israël, comme le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza, des milices chiites en Irak ou encore les rebelles houthis du Yémen.
La Syrie, qui partage une longue frontière avec le Liban, a longtemps joué pour l’Iran un rôle stratégique pour l’approvisionnement en armes du Hezbollah.
L’axe de la résistance « se poursuivra même sans la Syrie », a assuré M. Araghchi.
Mais l’Iran « fera inévitablement face à davantage de difficultés », met en garde l’agence Fars.
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