Le Maroc s’apprête à se doter d’un Centre de recherche et de formation franco-marocain dans des domaines de pointe tels que : l’IA, les énergies renouvelables et les sciences humaines, entre autres. Ce projet d’envergure a fait l’objet d’un protocole d’accord entre un consortium français et un consortium marocain, réunissant l’Université Internationale de Rabat (UIR), l’Université Mohammed V et l’Université Ibn Tofail, dans le cadre de la visite du Président français au Maroc. Pour en savoir plus sur la portée de cette structure, nous avons interviewé le président de l’UIR, Noureddine Mouaddib.
- Vous avez signé un protocole d’accord avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Université de la Sorbonne pour la création d’un Centre de recherche franco-marocain à vocation africaine. Comment a germé l’idée de cette structure ?
Quatre ans après sa création, l’Université a déjà pu développer des recherches pertinentes dans des domaines stratégiques, grâce à une communauté de chercheurs engagée et à une infrastructure de renommée internationale. Il s’agit notamment des laboratoires internationaux associés au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) français, dont un sur l’Intelligence artificielle, le big data et la cybersécurité, ainsi qu’un autre sur les énergies renouvelables. Ces deux projets ont permis non seulement de stimuler la recherche dans ces domaines, mais aussi de reconnaître les efforts de l’Université en matière de recherche à l’échelle internationale.
Cela dit, nous avons décidé de capitaliser sur ces acquis pour créer un Centre à portée internationale, en vue de relever de nouveaux défis, en ligne avec les ambitions du Maroc d’aujourd’hui, en partenariat avec les Universités françaises.
Je ne vous cache pas que l’Université a été honorée de voir que ce projet de International Research lab a été retenu pour une signature dans le cadre de la visite du Président français au Maroc. Cela témoigne, d’ailleurs, de la reconnaissance de l’importance d’un tel projet pour les deux États.
C’est un honneur également d’avoir bénéficié d’un tel soutien à très haut niveau de l’État. Ce qui, d’une part, nous met dans une position de responsabilité, mais aussi, d’autre part, nous permet de hausser la barre de nos ambitions pour être à la hauteur de la confiance qui nous a été accordée. Il s’agit aussi d’une opportunité de dynamiser la coopération en matière de recherche entre les deux États dans les domaines d’intérêt respectifs.
- Qu’attendez-vous d’un niveau de coopération aussi élevé entre les deux pays ?
Dans cette perspective, le Centre sera orienté vers des thématiques de grande actualité, à savoir : l’Intelligence artificielle (IA), l’énergie et l’hydrogène vert. À cela, s’ajoutent les sciences humaines, qui constituent un axe de recherche important pour ce nouveau centre. Nous sommes conscients de la nécessité de relancer la formation de sociologues, d’historiens, et d’anthropologues, rien que pour analyser les mutations sociales à l’air du développement que connaît notre pays.
Ainsi, nous aspirons à devenir un laboratoire CNRS et à jouer un rôle majeur parmi les grands Centres de recherche internationaux. En plus des Universités marocaines, des institutions américaines et françaises se grefferont à cette structure, chacune contribuant à une thématique spécifique.
- Comment ce projet profitera-t-il au Maroc ?
En outre, en boostant la recherche et l’innovation dans les domaines prioritaires, ce Centre permettra d’acter et de transformer le Maroc d’un pays sous-traitant à un pays industrialisé, développant ses propres produits.
- Concrètement, comment ce Centre va-il bénéficier à la jeune génération africaine ?
Les étudiants en master, ainsi que les doctorants, auront la possibilité de réaliser des stages de fin d’études ou des projets de recherche au sein des laboratoires du Centre. De notre côté, nous souhaitons amplifier le partenariat avec les établissements internationaux, pour accueillir davantage de doctorants, non seulement de France, mais également des États-Unis.
Ce projet a également une dimension africaine, dans la mesure où les thématiques de recherche seront orientées vers le continent, en tenant compte de ses spécificités. Il s’inscrit dans la volonté de faire de cette nouvelle structure un véritable pont entre les Universités africaines et la jeunesse de l‘Afrique, conformément à la Vision royale. Il contribuera ainsi à former une élite africaine au Maroc.
- Comment ce projet permettra-t-il de résoudre soit-disant la fracture entre le monde de la recherche et de l’entreprise tant critiquée au Maroc ?
Au Maroc, la relation entre le monde universitaire et l’entreprise a longtemps été marquée par un manque de compréhension mutuelle, créant une forme de divorce entre les deux camps.
Et pour cause, les entreprises marocaines étaient davantage dans un rôle de sous-traitance, recevant des commandes de l’étranger et exportant ce qu’elles pouvaient, en l’absence d’initiatives visant à créer des produits propres, à innover par soi-même. Aujourd’hui, les entreprises réalisent progressivement que l’Université peut les aider à résoudre leurs problématiques, et celle-ci comprend qu’elle ne peut plus travailler en isolation, sans tenir compte des besoins du marché.
L’impact de cette façon de faire sur le citoyen est également crucial, car les solutions apportées aux entreprises peuvent influencer des aspects comme les prix ou la qualité des produits, ce qui affecte directement le quotidien des citoyens. Cette collaboration est non seulement nécessaire, mais elle devient indispensable, tant pour les Universités que pour les entreprises. Il reste à encourager ce rapprochement en développant des politiques publiques qui soutiennent cette initiative, notamment par l’octroi d’avantages fiscaux aux entreprises investissant dans la recherche et l’innovation.
- Enfin, quels sont les défis de réalisation de ce projet d’envergure ?
Le Centre de recherche et de formation bénéficiera d’une partie de ses ressources grâce au soutien du CNRS, mais cela ne suffira pas. En effet, un doctorant coûte cher, et il est crucial de lui fournir le soutien nécessaire pour qu’il puisse mener à bien ses travaux dans de bonnes conditions.
À cet égard, il est impératif que les pouvoirs publics mettent en place des mécanismes de financement de la recherche, non seulement pour nous, mais pour l’ensemble des Universités, afin de stimuler et de soutenir les projets de recherche à l’échelle nationale.
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