Nommé le 5 septembre par le président Emmanuel Macron après une dissolution suprise, Michel Barnier, 73 ans, savait qu’il allait devoir user de toutes ses qualités diplomatiques pour diriger un gouvernement minoritaire.
Michel Barnier espère désormais qu’on garde de lui l’image « d’un honnête homme, patriote et européen », qui sert dignement son pays » et surtout pas le « microcosme parisien »
Il se disait « prêt » à l’éventualité d’une censure, lucide sur la tenaille qui l’enserrait: sans majorité absolue à l’Assemblée nationale, fragmentée en trois blocs (gauche, centre droit et extrême droite), et contraint de présenter un budget d’économies pour combler un lourd déficit.
La gauche, qui avait remporté les législatives, avait promis dès son arrivée de censurer ce Premier ministre de droite, tandis que le parti d’extrême droite Rassemblement national (RN), premier groupe à l’Assemblée, l’avait placé « sous surveillance ». Ses partenaires de la droite et du centre lui ont aussi donné du fil à retordre.
Michel Barnier, 73 ans, fut le chef de gouvernement le plus âgé de la Ve République, régime politique en place en France depuis 1968. Et il a finalement eu le bail le plus éphémère.
L’ancien commissaire européen n’est pas parvenu au compromis rêvé en France. Il vantait pourtant encore récemment son « expérience » face aux europhobes britanniques: « On a des (Nigel) Farage chez nous aussi ».
Son style incarnait le vieux monde et il le cultivait, par opposition au « nouveau monde » des +macronistes+.
Cet homme « d’habitudes », couche-tôt et « méthodique », avoue lui-même ne pas être un « rigolo ».
Originaire des Alpes françaises, il aime à se présenter comme « un montagnard » qui franchit « une étape après l’autre », « sans esbroufe », quand son prédécesseur, plus jeune Premier ministre de la Ve République, Gabriel Attal, communiquait beaucoup.
Au risque d’avoir une « lecture old fashion » de la politique, déplore une ancienne ministre macroniste, en évoquant « une énorme déception ».
Un ancien ministre pointe « quelqu’un d’orgueilleux » qui n’a « pas toujours été bien traité » mais est « allé jusqu’au bout » de ce qu’il pouvait faire.
Emmanuel Macron avait été séduit par la réputation de « pragmatique » de ce politicien à la haute stature et à la chevelure blanchie applaudi à Bruxelles pour ses qualités de négociateur lors du Brexit, capable d’écouter et d’argumenter.
Mais dès septembre, un parlementaire de son parti de droite Les Républicains (LR) affirmait auprès de l’AFP: il représente « tout ce que les Français ne veulent pas. Il est stratosphérique, déconnecté et il continuera ou finira de tuer la droite ».
Il avait d’ailleurs mordu la poussière en 2021 dès le premier tour des primaires de LR pour désigner le candidat de la droite à la présidentielle de 2022.
Vieux loup de la politique française, M. Barnier entre en politique en 1973, début de décennies à arpenter les allées du pouvoir, à Paris comme à Bruxelles.
Il a siégé dans plusieurs gouvernements de droite dans les années 1990 et 2000, avec des portefeuilles variés (Affaires européennes, Environnement, Agriculture, Affaires étrangères, etc…), a été commissaire européen à deux reprises, chargé des Politiques régionales et du cadre financier (1999-2004), puis responsable du Marché intérieur et des services (2009-2014).
La carrière européenne de M. Barnier, marié et père de trois enfants, n’a pas non plus été toujours couronnée de succès. M. Juncker l’avait battu en 2014 dans la course à la présidence de la Commission européenne lors du congrès du Parti populaire européen (PPE, droite).
Michel Barnier espère désormais qu’on garde de lui l’image « d’un honnête homme, patriote et européen », qui sert dignement son pays » et surtout pas le « microcosme parisien ».
Il a écarté la possibilité d’être renommé à Matignon. « J’ai envie de servir. Je vous ai dit que c’est un grand honneur. Mais qu’est-ce que cela (une renomination comme Premier ministre, ndlr) a comme sens? », avait-il affirmé mardi à la télévision. Et de conclure: « Les ors de la République, je m’en fous ».
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