Il est évident que le CO2 s’accumule dans l’atmosphère plus rapidement qu’à n’importe quel moment de l’existence humaine, puisque le niveau actuel de CO2 dans l’atmosphère est déjà supérieur de 51 % à celui de l’ère préindustrielle (avant 1750).
Le dernier Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre, nous informe d’ailleurs que cette augmentation significative du CO2 sur une décennie s’explique par l’importance historique des émissions de CO2 des combustibles fossiles entre les années 2010 et 2020. En effet, les données du Earth System Science Data 2023 relatives au Budget carbone mondial en 2023 estiment que les émissions mondiales de carbone provenant des combustibles fossiles en 2023 étaient de 10,0±0,5 Pg C an-1, soit environ 37 Pg CO2 an-1, une augmentation significative par rapport aux 3,0±0,2 Pg C an-1 des années 1960.
Par ailleurs, de 2010 à 2024, la base de données internationale des catastrophes EM-DATA a enregistré 2320 catastrophes naturelles d’origine climatique et météorologique dans les quatre coins du monde, atteignant le pic de 371 catastrophes enregistrées en 2021, incluant inondations, tempêtes, sécheresse et sécheresse extrême.
Le financement : la pierre d’achoppement de la COP29
Comme il s’agit d’une « COP de financement », il serait judicieux de se concentrer lors de ce 29ème exercice de Conférence des Parties sur l’évaluation du financement des changements climatiques, et l’établissement d’un nouvel objectif financier.
Sachant que le dernier objectif de ce type a été fixé en 2009, lorsque les pays à revenu élevé ont déclaré qu’ils mobiliseraient 100 milliards de dollars de financement climatique annuel pour les pays à revenu faible et intermédiaire d’ici 2020. Un objectif qu’ils ont atteint deux ans plus tard.
Il est important dans ce contexte de souligner que les fonds alloués à l’atténuation du changement climatique sont généralement les plus importants. En effet, d’après l’OCDE, les pays développés ont mobilisé environ 30 milliards de dollars par an pour l’atténuation dans les pays en développement. Alors que, le financement pour l’adaptation est souvent plus faible que celui dédié à l’atténuation, bien qu’il ait augmenté ces dernières années. Selon un rapport de la Banque mondiale de 2023, les flux financiers destinés à l’adaptation représentent environ 10 à 15 milliards de dollars par an dans les pays en développement, au moment où les besoins financiers pour l’adaptation sont beaucoup plus élevés, et estimés à environ 70 milliards de dollars par an en 2020.
Pourquoi donc cette distorsion ? Tout simplement parceque l’atténuation a un potentiel de rendement financier direct plus élevé à long terme, et nécessite des investissements initiaux importants. Or, les rendements financiers de l’adaptation sont plus difficiles à quantifier à court terme, malgré leurs rendements sociaux et économiques considérables en termes de sécurité alimentaire, de santé publique, et de résilience des communautés vulnérables.
D’autant plus que l’AFOLU (agriculture, foresterie et autres usages de terres), un secteur critique qui présente une vulnérabilité considérable et des besoins d’adaptation très étendus, n’a reçu que 7 milliards de dollars, ce qui représente uniquement 11 % de l’ensemble du financement dédié à l’adaptation.
Somme toute, bien que cette distorsion existe, la question qui demeure importante pour cette Conférence est de savoir si l’objectif de contribution qui y sera fixé sera au niveau des attentes et des estimations des modèles de l’ONU. Lesquels suggèrent que l’objectif de contribution en 2025 devrait être de 0,89 billion de dollars en 2025 et grimper à 1,46 billion de dollars d’ici la cinquième année de mise en œuvre.
Du « NCQG » quantitative au « NCQG » qualitative ?!
Au-delà de l’aspect quantitatif du « New Collective Quantified Goal- NCQG », la dimension qualitative est aussi sérieuse. Selon les analyses duClimate Policy Inititative, les dix pays les plus touchés par le changement climatique entre 2000 et 2019 n’ont reçu que 23 milliards de dollars, soit moins de 2 % du total du financement de la lutte contre le changement climatique.
Sur le total des financements par la dette, 561 milliards de dollars ont été fournis au taux du marché, ce qui représente 53 % du total des financements climatiques répertoriés. La dette émise directement par l’intermédiaire des bilans s’est élevée en moyenne à 129 milliards de dollars. Les financements concessionnels ont représenté 11 % du total du financement climatique. La dette à faible coût au niveau des projets n’a constitué que 6 % du financement climatique et a atteint 76 milliards de dollars en 2021/2022, dont 96 % provenaient d’IFD. Les subventions ont représenté en moyenne 5 % du total du financement climatique, soit 69 milliards de dollars.
Cette situation alourdit le fardeau de la dette déjà considérable dans les pays endéveloppement, notamment les pays les plus vulnérables au changement climatique.
Dans cette perspective, et pour une meilleure évaluation de l’impact de ce financement, il conviendrait de généraliser le « Grant equivalence », afin de comprendre l’impact financier net des subventions en tenant compte de différents facteurs économiques comme les conditions de remboursement, les taux d’intérêt, ou encore les risques encourus par les bénéficiaires.
Ainsi, Il devientaussi impératif de repenser qualitativement la NCQG, tout en mettant l’accent sur l’utilisation stratégique des fonds publics, de transformer le système financier en réformant les institutions financières internationales et d’étendre les objectifs annoncés pour 2050 afin d’établir des plans de transition transparents et vérifiables à plus court terme, en mettant l’accent sur les impacts sur la dette, l’environnement, et les droits sociaux économiques des populations locales.
Déverrouiller le capital…mais pas que !
Il est évident que la COP29 se positionne comme la Conférence du dernier espoir de financement du climat, mais il ne faut pas occulter qu’il s’agit de la y-1 de l’annonce des Contributions Nationales Déterminées des pays (NDC).Pour rappel, les Contributions Nationales Déterminées des pays fixent des objectifs à court et moyen terme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux impacts climatiques, dans le but de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels.
Bien que l’Accord de Paris ne rende pas obligatoire la participation formelle de la société civile et des populations locales au processus d‘élaboration des NDC, il reconnaît toutefois l’importance de l’engagement des acteurs non étatiques (entreprises, villes, ONG, etc.) dans la lutte contre le changement climatique. Il serait donc temps de déverrouiller les consultations, pour aller au-delà des NDCs expertes vers des NDCs citoyennes.
Sur un autre registre, les garanties en matière de droits de l’Homme, fondées sur lesprincipes directeurs du business et des droits humains doivent être intégrées aux efforts visant à mobiliser les financements du secteur privé dans le cadre du nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement.
Yasmine BOUTAIB
Conseillère en transition énergétique et militante pour les droits de l’Homme.
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