Mais la nomination de ce nouveau ministre marque-t-elle la fin de cette longue crise ? Miraoui était-il le véritable bloqueur des négociations ? Quelles nouvelles perspectives El Midaoui peut-il offrir ? Autant de questions auxquelles il faut tenter d’apporter des réponses, en observant de près ce tournant important pour l’enseignement supérieur au Maroc.
Espoir ou continuité ?
Azzedine El Midaoui n’est pas un inconnu dans les milieux académiques marocains. Président de l’Université Ibn Tofail de Kénitra depuis 2014 et ancien président de la Conférence des présidents des Universités du Maroc, son parcours est jalonné de succès dans la gestion universitaire et la recherche scientifique. Reconnu pour son expertise dans le dessalement de l’eau et ses engagements pour l’innovation, il a su gagner la confiance de ses pairs, tant au Maroc qu’à l’international. Mais, au-delà de son curriculum brillant, ce changement symbolise-t-il une rupture avec les politiques menées sous Miraoui ?
L’ancien ministre Abdellatif Miraoui a vu son mandat entaché par une série de grèves et de manifestations d’étudiants en médecine, en pharmacie et en dentaire, qui réclament des réformes en profondeur. Si certaines de leurs revendications ont été partiellement prises en compte, les étudiants jugent toujours la réponse gouvernementale insuffisante. El Midaoui, en homme de dialogue et de réflexion, peut-il être celui qui amorcera une véritable sortie de crise ?
Un ministre capable de réformes ?
El Midaoui, avec son expérience scientifique, semble tout indiqué pour comprendre les besoins de réforme dans l’enseignement supérieur, notamment dans le secteur médical. Sa capacité à diriger des projets de recherche internationaux et à obtenir des financements pour des initiatives universitaires témoigne de sa compréhension des enjeux complexes qui se posent à l’éducation et à la recherche. Toutefois, la tâche qui l’attend ne se limite pas à la gestion de programmes académiques ; il devra surtout répondre aux attentes pressantes des étudiants en médecine.
Ces derniers ne cachent pas leurs espoirs. «Nous espérons qu’avec ce nouveau ministre, nos revendications seront enfin écoutées, et qu’il saura instaurer un véritable dialogue avec nous», confie Amine, étudiant en 4ème année de médecine à Casablanca. Pour lui, l’ancien ministre n’était pas parvenu à comprendre la gravité de la situation, et la nomination d’El Midaoui pourrait bien changer la donne. «Il est urgent d’avoir un interlocuteur qui connaît les rouages du système universitaire et qui est prêt à négocier de façon constructive», ajoute Meriem, étudiante en 3ème année de médecine à Rabat. Pour beaucoup d’étudiants, ce changement à la tête du ministère suscite un regain de confiance, même si la méfiance demeure après des mois de grève sans résultats tangibles.
Loin du miracle
Si l’arrivée d’un nouveau ministre suscite une lueur d’espoir, elle ne doit tout de même pas être interprétée comme la résolution instantanée des problèmes des étudiants en médecine. Il serait utopique de croire que la situation changera du jour au lendemain. Si l’ancien ministre symbolise aux yeux de certains le blocage des négociations, il n’était pas seul à l’origine des dysfonctionnements structurels. Miraoui, en tant que figure de proue d’une certaine majorité qui semble sourde aux appels à la réforme, n’était que l’un des nombreux rouages d’une machine plus vaste : celle du gouvernement dans son ensemble. Le départ d’un ministre, aussi stratégique soit-il, ne garantit pas un changement global si les politiques de fond ne suivent pas.
En effet, bien que Miraoui ait cristallisé la frustration des étudiants, le système éducatif et de santé dans lequel il opérait est le reflet de choix plus larges, souvent décidés en haut lieu, par l’Exécutif. La pression démographique croissante dans les universités, avec l’augmentation du nombre d’étudiants sans que les infrastructures et le corps enseignant ne suivent proportionnellement, est le résultat d’une gestion gouvernementale qui ne semble pas avoir anticipé les besoins réels du secteur. Le projet de former davantage de médecins pour répondre à une demande croissante en soins est, certes, louable en théorie, mais peut conduire à une baisse significative de la qualité de l’enseignement, du moins selon les étudiants eux-mêmes.
Azzedine El Midaoui hérite donc d’un fardeau qui dépasse les simples conflits entre un ministre et des étudiants. Il devra composer avec une administration qui fonctionne selon des dynamiques souvent rigides et une culture gouvernementale parfois accusée d’inertie. Les réformes dont parlent les étudiants ne se limitent pas aux seules années de formation, ni au numerus clausus ; elles concernent une vision d’ensemble de la manière dont le gouvernement considère l’éducation médicale et, plus largement, l’investissement dans la santé publique.
Pour beaucoup d’observateurs, le départ de Miraoui n’est qu’une étape parmi tant d’autres nécessaires. On ne peut pas s’attendre à ce qu’un seul homme règle tous les problèmes. Il faudra une volonté politique forte et un changement de paradigme à tous les niveaux pour que les étudiants en médecine obtiennent satisfaction.
Un dialogue possible, mais à quelles conditions ?
Le principal obstacle auquel El Midaoui devra faire face est la défiance installée entre les étudiants et les autorités. Ces derniers mois, le dialogue a souvent semblé rompu et les promesses de réforme n’ont pas abouti à des mesures concrètes. La crise actuelle, exacerbée par la réduction des années de formation et l’augmentation du nombre d’étudiants, n’a cessé d’empirer. Un contexte qui a mis en péril non seulement l’avenir académique des étudiants, mais aussi la qualité des soins de santé dans le pays.
La question qui se pose désormais est : le nouveau ministre saura-t-il rétablir la confiance avec les étudiants? D’un côté, sa réputation de gestionnaire rigoureux et ouvert au dialogue pourrait jouer en sa faveur. De l’autre, la complexité des enjeux à traiter ne permet pas de miser uniquement sur sa personnalité ou son parcours. Il s’agira de réformer en profondeur un système éducatif qui montre des signes d’essoufflement.
«Nous avons confiance en ses compétences, mais nous ne voulons plus de promesses en l’air. Il est temps de passer aux actes», martèle un membre de la Commission nationale des étudiants en médecine, dans une publication sur Facebook. Ce sentiment est partagé par de nombreux étudiants qui espèrent qu’El Midaoui saura éviter l’écueil de son prédécesseur.
Cependant, ces derniers restent prudents, conscients que le dialogue ne peut se limiter à de simples discussions de façade. Ils réclament des engagements clairs, assortis de calendriers précis pour la mise en œuvre des réformes promises. La transparence dans le suivi des accords et une réelle implication des représentants des étudiants dans les prises de décision seront des conditions indispensables pour restaurer la confiance. «Nous avons déjà assisté à trop de reports et de compromis qui ne mènent à rien», déclare un autre étudiant. «Ce que nous voulons, c’est un plan d’action concret, avec des mesures immédiates pour améliorer nos conditions de formation».
Une sortie de crise imminente ?
La nomination d’Azzedine El Midaoui intervient à un moment critique pour l’enseignement supérieur et la formation médicale au Maroc. Les attentes sont élevées et les enjeux nombreux. Pour les étudiants en médecine, ce changement pourrait marquer un tournant décisif, mais beaucoup de questions demeurent. Le nouveau ministre saura-t-il répondre à l’urgence de la situation tout en réformant en profondeur le système?
En tout cas, la nomination d’Azzedine El Midaoui constitue un tournant important, mais elle ne résoudra pas à elle seule la crise. Ce qui est en jeu, c’est la capacité du nouveau ministre à instaurer un dialogue apaisé, mais surtout à proposer des réformes concrètes et adaptées à la réalité marocaine. Cela exigera du courage politique et une vision à long terme.
Ce remaniement ministériel, qui a écarté quelques figures controversées, sera-t-il donc suffisant pour apaiser une crise qui dure depuis trop longtemps ? Seul l’avenir nous le dira. Ce qui est certain, c’est que le sort des milliers d’étudiants en médecine dépend aujourd’hui d’un dialogue franc et constructif entre le nouveau ministre et ceux qui, demain, seront les garants de la santé publique au Maroc.
Les yeux sont désormais tournés vers Azzedine El Midaoui. Il lui revient d’agir vite et bien, car l’avenir du système de santé marocain pourrait bien se jouer dans les prochains mois.
Mehdi Ouassat
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