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COP 16 biodiversité. L’Afrique au cœur des débats sur la conservation et le financement

COP 16 biodiversité. L’Afrique au cœur des débats sur la conservation et le financement
Ça commence mal pour la COP 16 biodiversité qui a débuté lundi à Cali, en Colombie. Seuls 31 pays sur 195 ont présenté un plan en faveur de la biodiversité, alors qu’il s’agit du premier rendez-vous de la communauté internationale depuis l’adoption en 2022, lors de la COP15, d’une feuille de route pour sauvegarder la nature.

Retard

Les pays les plus riches ont été les plus rapides à soumettre leurs plans, avec plusieurs pays européens, l’Australie, le Japon, la Chine, la Corée du Sud et le Canada. Les États-Unis participent aux négociations, mais n’ont jamais ratifié la CDB et ne sont donc pas tenus de présenter un plan.

A noter que 73 autres pays avaient choisi de soumettre des propositions moins ambitieuses décrivant leurs objectifs nationaux, sans donner de détails sur la manière dont ils seront atteints.

Ce faible nombre de plans soumis risque, selon les experts, « d’entraver leurs capacités à mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif de l’accord « 30 pour 30 », qui consiste à conserver 30% des terres et des mers d’ici à 2030 ».

La ministre colombienne de l’Environnement, Susana Muhamad, qui préside également la conférence sur le climat, a déclaré que si le sommet devait évaluer les plans présentés jusqu’à présent, il devait également se pencher sur les raisons pour lesquelles de nombreux autres plans ont été retardés. « Il se peut qu’il n’y ait pas assez d’argent, par exemple, pour pouvoir développer les plans », a déclaré Mme Muhamad à Reuters. Les pays dont les gouvernements viennent d’être élus pourraient encore avoir du mal à atteindre l’objectif, a-t-elle ajouté.

Bernadette Fischler Huber, responsable du plaidoyer au WWF, a déclaré, de son côté, que les pays les plus pauvres avaient eu plus de difficultés à trouver les fonds et l’expertise nécessaires à l’élaboration de plans nationaux pour la biodiversité.

Priorité

Pour les pays africains, la préservation des écosystèmes uniques que l’on trouve sur le continent est d’une importance cruciale. Des forêts primaires aux tourbières qui emmagasinent du carbone, en passant par les mangroves qui protègent les communautés côtières contre les catastrophes climatiques, l’Afrique abrite certains des trésors écologiques les plus précieux au monde. Le continent héberge également huit des 34 «réserves critiques de biodiversité» répertoriées par l’ONG Conservation International.

Les écosystèmes africains, tels que ceux du bassin du Congo, jouent un rôle crucial dans la régulation du climat à l’échelle mondiale. Souvent qualifiés de «poumon vert» de la planète, ces territoires sont essentiels dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Les négociateurs africains cherchent donc à obtenir une reconnaissance internationale pour les efforts de conservation, en rappelant que la protection de cette biodiversité n’est pas seulement une question de préservation régionale, mais un enjeu global.

Engagement

Cette reconnaissance ne doit pas se limiter à de simples déclarations. Les pays africains réclament des engagements financiers tangibles de la part des nations développées. Lors de la COP biodiversité à Montréal, les États se sont accordés sur la nécessité de mobiliser 200 milliards de dollars par an d’ici 2030, provenant de diverses sources, dont 20 milliards destinés spécifiquement à l’aide au développement d’ici 2025. Or, ces promesses peinent à se matérialiser.

Nicky Kingunia, négociateur en chef pour la République démocratique du Congo (RDC), a réitéré la nécessité de créer un fonds spécifique dédié à la biodiversité, indépendant du Fonds mondial pour l’environnement. Cette demande pourrait devenir un point de friction majeur lors des négociations, car les pays riches semblent peu enclins à accepter la mise en place de nouveaux mécanismes financiers.

L’Afrique portera une attention particulière aux débats concernant une répartition juste des profits économiques générés par l’exploitation des ressources génétiques, majoritairement présentes dans les pays du Sud, mais souvent exploitées par les nations du Nord. Les pays africains exigent que les retombées de l’utilisation de ces ressources soient versées sous forme d’un pourcentage des revenus générés, plutôt que de simples contributions volontaires. Les gains potentiels sont en effet considérables, car les ressources génétiques nourrissent des secteurs rentables tels que la pharmacie, les cosmétiques et l’agroalimentaire. Afin d’assurer une gestion équitable, l’Afrique insiste sur le fait que ce fonds multilatéral soit supervisé par la Convention sur la diversité biologique des Nations unies, plutôt que par des entités volontaires.

Ainsi, l’Afrique ne se contente pas de préserver ses écosystèmes pour ses propres populations, mais réclame aussi une juste part des bénéfices tirés de ses ressources, tout en exhortant la communauté internationale à prendre des mesures financières et politiques concrètes pour protéger cette biodiversité indispensable à la survie de l’humanité.

Qu’est-ce que la COP biodiversité ?

La Conférence des Parties (COP) est l’organe directeur de la Convention, rassemblant tous les deux ans les 196 Parties au traité (195 États et l’Union européenne qui porte la voix de ses membres). Tous les dix ans, elle décide d’un cadre mondial pour agir en faveur de la biodiversité.
 
Quid de la COP16 ?
 
La COP16 sur la biodiversité (ou 16ème Conférence des Parties) se tient du 21 octobre au 1er novembre 2024 en Colombie, à Cali. C’est la première COP organisée depuis l’adoption de l’Accord de Kunming-Montréal le 19 décembre 2022, qui a fixé le cadre de l’action internationale face à la crise de la biodiversité. La COP16 a donc un rôle crucial à jouer dans l’institutionnalisation d’une politique internationale de protection de la biodiversité, dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique. Elle devra notamment établir la manière dont les gouvernements mondiaux vont suivre et faire évoluer leurs efforts en matière de protection de la biodiversité.

En outre, la COP16 est aussi la onzième réunion de la Conférence des Parties du Protocole de Cartagena sur la biosécurité, et la cinquième réunion de la Conférence des Parties du Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

Vers une coopération climatique transafricaine
Une association pour stimuler la recherche et l’action est née à Mohammédia
 
La conférence internationale : «Variabilité et changement climatique en Afrique : impacts, adaptation et résilience», co-organisée par l’Association marocaine de climatologie, la Faculté des lettres et des sciences humaines  Mohammédia, l’Université Hassan II de Casablanca, l’Université Sidi Mohamed Ben Abdallah de Fès (Dhar El-Mehraz) et la faculté des langues des Arts et des sciences humaines Aït Melloul –Université Ibn Zohr, a donné naissance à une nouvelle corporation scientifique. Il s’agit de l’Association africaine de la climatologie (AAC) destinée à promouvoir l’échange, la collaboration et la coopération entre les climatologues à travers tout le continent africain.
 
Force de proposition
 
« L’Afrique, en raison de sa diversité géographique, est exposée à une variété de risques climatiques, allant de la désertification croissante au Nord, aux inondations dans les zones tropicales et côtières, en passant par les sécheresses récurrentes dans les régions du Sahel. L’objectif de l’Association africaine de la climatologie est non seulement de mieux comprendre ces phénomènes à travers la recherche collective, mais aussi de proposer des solutions adaptées aux réalités locales », a déclaré Abdelmalek Saloui, président de la nouvelle association, lors de l’assemblée constitutive qui a saisi l’occasion pour remercier la direction de l’Université de Mohammédia, les autorités locales et les partenaires privés. Et de préciser : « Grâce à des partenariats avec des universités, des centres de recherche et des institutions internationales, l’association œuvre à la diffusion des connaissances sur les tendances climatiques en Afrique, tout en favorisant le développement de nouveaux outils et méthodes pour prévoir, analyser et atténuer les impacts du changement climatique. Elle encourage également la formation et le renforcement des capacités des jeunes chercheurs africains afin qu’ils puissent jouer un rôle actif dans la résolution des problèmes climatiques régionaux ».

A ce propos, l’AAC compte organiser des conférences, ateliers et séminaires permettant aux climatologues africains d’échanger sur leurs travaux, d’établir des collaborations transfrontalières et de s’engager dans des projets communs. Elle soutient également la publication de recherches scientifiques sur les spécificités climatiques du continent et met l’accent sur l’importance d’une coopération accrue entre les climatologues africains et leurs homologues des autres régions du monde.
 
Affronter les défis climatiques
 
L’ACC ambitionne également de répondre aux besoins urgents de la région en matière de préparation au changement climatique. « En facilitant la coopération entre les experts africains, elle contribue à développer des stratégies résilientes pour les populations locales, tout en encourageant les gouvernements à adopter des politiques climatiques basées sur des données scientifiques fiables. En outre, l’association joue un rôle important dans la sensibilisation du public et des décideurs politiques à l’importance de la lutte contre le changement climatique. Elle vise à promouvoir une meilleure intégration des connaissances scientifiques dans les politiques nationales et régionales, afin de garantir que les réponses aux défis climatiques soient efficaces, durables et équitables pour tous les Africains », a conclu le président de l’ACC.
 
Stimuler le débat
 
Il y a lieu de noter que la conférence : «Variabilité et changement climatique en Afrique : impacts, adaptation et résilience», a été marquée par un ensemble de contributions scientifiques très riches. Au total, 78 articles ont été présentés, couvrant des thèmes allant de la variabilité climatique aux solutions d’adaptation. Parmi ces contributions, une conférence encadrée, suivie de 42 communications scientifiques ont permis de stimuler des discussions et d’approfondir la réflexion sur la gestion du changement climatique en Afrique.

Ces travaux ont largement abordé la question de la variabilité et du changement climatique en Afrique, ainsi que leurs implications pour le développement durable du continent. Des solutions pratiques visant à renforcer la résilience des populations face aux événements climatiques extrêmes, tels que les inondations et les sécheresses, ont été discutées, offrant des pistes intéressantes pour les décideurs politiques.

Les chercheurs de plusieurs pays africains, tels que le Maroc, le Bénin, le Soudan, le Tchad, le Togo, le Congo Brazzaville, la Mauritanie et l’Egypte, ont présenté leurs travaux. Ils ont exploré des scénarios climatiques spécifiques et proposé des projets concrets pour améliorer l’adaptation des sociétés africaines face aux défis climatiques.

Des chercheurs issus d’institutions de renom, telles que l’Université Mohammed VI de Ben Guérir, l’Institut Hassan II d’agriculture et de médecine vétérinaire, l’Institut Scientifique de Rabat, l’Institut national de l’urbanisme et de la construction, et d’autres universités publiques à travers le pays (Oujda, Fès, Tétouan, Meknès, Mohammédia, Rabat, Casablanca, Marrakech, entre autres), ont enrichi les débats par des analyses approfondies et des études de cas pertinentes.
 
Formuler des recommandations
 
Les discussions ont permis, en outre, de formuler plusieurs recommandations pour aider les décideurs politiques et économiques à adopter des stratégies adaptées pour faire face aux conséquences du changement climatique. Qu’il s’agisse de la gestion des inondations en période d’abondance ou des pénuries en période de sécheresse, les experts ont souligné l’importance d’une planification proactive et d’une coopération accrue entre les différents acteurs.

Les travaux scientifiques de ce colloque seront publiés sous forme d’un ouvrage collectif. Ce document visera à rassembler l’ensemble des contributions scientifiques et à fournir aux décideurs régionaux, nationaux et africains un cadre de réflexion pour élaborer des politiques climatiques plus efficaces et durables. L’objectif est de présenter cet ouvrage aux autorités compétentes pour influencer positivement la prise de décision à différents niveaux et contribuer ainsi à la lutte contre le changement climatique en Afrique et au-delà.

Spécial réalisé par Hassan Bentaleb

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