Agé de 56 ans, Génaro Garcia Luna a été le ministre de la Sécurité du président conservateur Felipe Calderon (2006-2012), qui l’a propulsé en fer de lance de la guerre contre le narcotrafic, déclarée en 2006 avec la bénédiction des États-Unis.
Il y gagne le surnom de « superflic », mais accumule en parallèle une grande fortune grâce à la corruption et se forge une réputation d’homme ambitieux et sans scrupule.
Il est aussi à l’origine de l’affaire Florence Cassez, qui a provoqué une crise diplomatique entre le Mexique et la France.
Ingénieur mécanique de formation, son rêve de devenir footballeur s’évapore dans l’adolescence, lorsqu’il est recruté comme « informateur » par les services de sécurité mexicains, raconte l’organisation d’investigation Insight Crime.
Au début des années 1990, Génaro Garcia Luna intègre le Centre d’investigation et de Sécurité Nationale (CISEN), qui le charge notamment de lutter contre le phénomène des enlèvements, alors délit majeur au Mexique.
« Son succès dans la localisation et le sauvetage d’hommes d’affaires de premier plan lui a apparemment permis de gravir les échelons de l’organisation », souligne Insight Crime.
C’était un fonctionnaire « très intelligent pour apporter son aide », se souvient l’ancien procureur anti-drogue Samuel Gonzalez, qui a connu M. Garcia Luna au milieu des années 1990.
« Il avait une grande capacité à se mettre en avant, il savait se rendre indispensable », ajoute-t-il auprès de l’AFP.
Après son passage au CISEN, Génaro Garcia Luna rejoint la nouvelle police fédérale. En 2001, il prend la tête de l’Agence fédérale de renseignement.
Sa promotion rapide semble reposer sur une gestion « peu éthique ».
« Il rendait les victimes d’enlèvement dépendantes de celui qu’elles pensaient être leur sauveur, et il leur demandait ensuite des faveurs », raconte M. Gonzalez.
Il gagne ainsi en « popularité » auprès des milieux d’affaires, souvent victimes de séquestrations, ce qui convainc définitivement le président Calderon de lui confier la lutte contre le crime organisé, en 2006.
M. Garcia Luna devient « l’un des moteurs de la militarisation du Mexique pour faire face au trafic de drogue », selon Insight Crime.
Cette guerre contre les cartels marque le début d’une vague de violence qui a fait quelque 450.000 morts et 100.000 disparus depuis 2006.
Génaro Garcia Luna profite en même temps de son statut pour accorder des faveurs et sa protection au puissant cartel de Sinaloa, permettant de faire passer plus de mille tonnes de stupéfiants « en échange de millions de dollars de pots-de-vin », a rappelé le parquet fédéral de Brooklyn mercredi.
En prison depuis 2019, il aide ses codétenus à préparer des certificats d’études et donne des conférences contre la consommation de drogues, ont rapporté certains d’entre eux dans des lettres envoyées au juge Cogan.
Ce magistrat avait déjà condamné à perpétuité le célèbre cofondateur du cartel de Sinaloa « El Chapo » Guzman en 2019.
Presque toujours en costume-cravate, l’ex-ministre a connu la gloire, récompensé par le FBI, la DEA, l’Espagne, Interpol…
En 2005, il provoque pourtant un grand scandale, en mettant en scène pour la télévision une fausse opération policière contre un gang de kidnappeurs à Mexico.
C’est là qu’est arrêtée la Française Florence Cassez, qui dénonce le montage et clame son innocence. L’affaire déclenche une crise diplomatique avec la France, dans lequel M. Garcia Luna est défendu bec et ongles par son président.
Retiré de la fonction publique en 2012, il s’installe aux États-Unis et obtient, grâce à ses connexions, de juteux contrats avec le gouvernement mexicain, tout en acquérant une vingtaine de luxueuses propriétés en Floride.
« Il a tellement d’argent qu’il est difficile de distinguer ce qui provient du trafic de drogue de ce qui provient de ses affaires », explique M. Gonzalez.
Après son arrestation au Texas en 2019, Génaro Garcia Luna devient la cible régulière du président Andrés Manuel López Obrador.
Le dirigeant de gauche, qui a quitté le pouvoir fin septembre, a souvent dénigré le bilan de Felipe Calderon, et l’accuse d’avoir été au courant des agissements de son ministre.
Garcia Luna s’en est récemment pris à M. Lopez Obrador, l’accusant d’être lui-même lié au trafic de drogue, sans toutefois apporter de preuves.
Très soucieux de son apparence, le « superflic » déchu, qui réalise des tâches de nettoyage en prison, a été autorisé par le juge à écouter sa sentence vêtu d’un costume au lieu de l’uniforme de prisonnier, qu’il portera désormais pour les prochaines décennies.
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