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Dans un marché d’Addis Abeba : Rien ne se perd, tout se transforme

Dans un marché d’Addis Abeba : Rien ne se perd, tout se transforme
Un sac hors d’âge posé sur le dos, Dereje Enigdamekonen avale dès l’aube les kilomètres dans les venelles du marché du Merkato, dans la capitale éthiopienne Addis Abeba. « Korale, korale », lance-t-il régulièrement.

« Korale », c’est un néologisme en amharique, la langue nationale en Ethiopie, pour désigner ces milliers de collecteurs, des hommes dans leur immense majorité, qui achètent ou récupèrent jerricans, matériels électriques, chaussures et autres pelles, la plupart du temps en mauvais état.

Ces objets sont ensuite soit restaurés pour leur donner une seconde vie, soit démontés pour récupérer certaines pièces détachées, ou bien encore transformés.
Dereje Enigdamekonen, 45 ans, fait ce travail depuis environ un an, « qu’il fasse soleil ou qu’il pleuve », sourit-il, affirmant acheter « tout ce qui peut être réutilisé ».

Pour un kilo de métal collecté, il peut tirer environ 40 birrs (environ 30 centimes d’euro) et pour des jerricans, selon les tailles, entre 3 et 25 birrs.
« Les déchets peuvent être transformés en argent », affirme-t-il.

« Les plastiques que nous collectons peuvent par exemple être transformés en assiettes (…), tandis que les métaux sont envoyés dans des usines, fondus et recyclés », poursuit Mikiyas Mesele, 33 ans, « korale » depuis qu’il est enfant.
Après leur collecte, les « korales » convergent vers Minalesh Tera, un quartier de Merkato dont le nom signifie « Qu’est-ce que tu as ? » en amharique.

Dans les ruelles, les petites boutiques en tôle se succèdent. C’est ici que les récupérateurs vendent leurs trouvailles du jour, notamment à des intermédiaires, comme Tesfaye Getahun, en plein désossage d’une énorme imprimante.
A grands coups de maillets, il isole la carte mère et certaines pièces en aluminium.
 
Que ce soit des ordinateurs ou bien encore de vieux téléviseurs, Tesfaye Getahun recycle tout. « Ils ne sont plus utilisés et s’ils sont laissés ainsi (dans la nature), ils peuvent polluer l’environnement. Mais s’ils sont démontés et vendus en pièces détachées, cela contribue à éviter de polluer », assure-t-il.

Les plus de quatre millions d’habitants de la capitale éthiopienne produisent annuellement quelque 400.000 tonnes de déchets, selon les chiffres publiés en 2020 par le Programme des Nations unies pour le développement (UNDP).
Et si 70% sont collectés, « 30% sont déversés dans les rivières, conservés dans des décharges locales informelles ou perdus dans l’inefficacité du système de gestion des déchets », soulignait l’agence onusienne.

« Nous gagnons notre vie et nous aidons également l’environnement car ces articles ne sont pas biodégradables », soutient Tamirat Dejene, assis sur une chaise à l’intérieur d’une petite boutique où s’entassent des bidons.

Le jeune homme de 21 ans récupère depuis quatre ans des objets en plastique et affirme pouvoir gagner entre 500 et 1.000 birrs par jour (entre 3,70 et 7,50 euros par jour), une aubaine dans ce pays d’Afrique de l’Est d’environ 120 millions d’habitants où 34,6% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

« C’est bénéfique pour Addis Abeba: si ces déchets n’étaient pas collectés, les décharges de la ville déborderaient. Ainsi, nous gagnons notre vie tout en apportant une solution », poursuit-il.

Les objets confectionnés à Minalesh Tera sont ensuite vendus dans des boutiques de la capitale et aux quatre coins du pays. Et parfois même au-delà, comme pour Biruk Shimeles, qui confectionne des poêles à charbon en aluminium à partir de métaux qu’il rachète aux « korales » et les écoule jusqu' »au Soudan, à Djibouti et en Somalie ».

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