Du jamais vu
Selon ce document, « l’année 2023 a été marquée par une chaleur sans précédent, devenant l’année la plus chaude jamais enregistrée avec 1,45 °C de plus que les niveaux préindustriels. La transition des conditions La Niña à El Niño, ainsi que la phase positive du dipôle de l’océan Indien (aussi connu sous le nom d’El Niño indien, IOD) ont contribué à cette chaleur extrême et à divers impacts météorologiques allant de fortes pluies et d’inondations à des sécheresses».
En outre, ledit rapport ajoute que «l’année 2023 a été marquée par des conditions de débits fluviaux généralement plus sèches que la normale, voire normales. Comme en 2022 et 2021, plus de 50% des bassins hydrographiques mondiaux ont enregistré des écarts par rapport aux conditions proches de la normale, principalement des débits inférieurs à la normale, avec un nombre plus restreint de bassins présentant des conditions supérieures et très supérieures à la normale ». Tout en soulignant que « de vastes territoires d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud ont souffert d’une grave sécheresse et de débits fluviaux réduits en 2023. Les bassins du Mississippi et de l’Amazone ont connu des niveaux d’eau historiquement bas.
« La côte est de l’Afrique a connu des débits supérieurs et très supérieurs à la normale. La Corne de l’Afrique, qui a connu cinq saisons de pluies sèches consécutives, a été touchée par des inondations ». En Asie et en Océanie, les grands bassins fluviaux – le Gange, le Brahmapoutre et le Mékong – ont connu des conditions inférieures à la normale sur la quasi-totalité de leur territoire. L’île du Nord de la Nouvelle-Zélande et les Philippines ont connu des débits annuels très supérieurs à la normale. En Europe du Nord, l’ensemble du territoire du Royaume-Uni et de l’Irlande a connu des conditions de débit très supérieures à la normale, tout comme la Finlande et le sud de la Suède», indique le rapport. Et ajouter : «Les apports dans les réservoirs ont montré une tendance similaire à celle du débit global des rivières. L’Inde, l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, ainsi que certaines parties de l’Australie, ont connu des débits inférieurs à la normale. Le stockage dans les réservoirs à l’échelle du bassin a varié de manière significative, reflétant l’influence de la gestion de l’eau, avec des niveaux très supérieurs à la normale dans des bassins tels que l’Amazone et le Paraná, mais aussi dans d’autres régions du monde, où le débit des fleuves était très inférieur à la normale en 2023».
S’agissant des niveaux des eaux souterraines, les experts des OMM observent qu’« en Afrique du Sud, la majorité des puits affichaient des niveaux supérieurs à la normale, suite aux précipitations supérieures à la moyenne de ces dernières années; il en allait de même en Inde, en Irlande, en Australie et en Israël. Une diminution notable de la disponibilité des eaux souterraines a été observée en Amérique du Nord et en Europe en raison d’une sécheresse prolongée. Au Chili et en Jordanie, les niveaux des eaux souterraines étaient également inférieurs à la normale, les baisses à long terme étant dues à des prélèvements excessifs plutôt qu’à des facteurs climatiques ».
Ces mêmes experts constatent que « les niveaux d’humidité des sols ont été majoritairement inférieurs à la normale ou très inférieurs à la normale sur de vastes territoires à l’échelle mondiale, l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient étant les principales régions concernées».
Bassins asséchés et pluies diluviennes
Concernant la situation en Afrique, le rapport indique que « ce continent a été frappé par de graves inondations en 2023. La Libye, le Mozambique, le Malawi, la République démocratique du Congo, le Rwanda et la Corne de l’Afrique (qui avaient souffert de cinq saisons de pluies consécutives) ont tous été confrontés à de graves inondations, probablement déclenchées par les conditions d’El Niño. Ces inondations ont fait au total plus de 12.600 victimes, dont plus de 11.000 pour la seule Libye. La côte Est de l’Afrique, y compris les bassins des fleuves Limpopo et Zambezi, a connu des débits supérieurs et très supérieurs à la normale. Les réservoirs d’Afrique du Sud ont connu des apports supérieurs à la normale à la suite de conditions de débit supérieures à la normale. Les niveaux d’humidité des sols en Afrique subsaharienne ont été généralement inférieurs à la normale, à l’exception de l’Afrique du Sud, qui a connu des conditions d’humidité du sol supérieures à la normale».
« Les taux d’évapotranspiration (ETR) en Afrique subsaharienne durant les mois de décembre-février et de juin-août ont été normaux à inférieurs à la normale, sauf en Afrique de l’Ouest et dans les bassins côtiers de l’Afrique du Sud. La Corne de l’Afrique a connu des taux d’ETR supérieurs à la normale pendant les mois de mars-mai et de septembre-novembre, avec des précipitations intenses et des inondations associées en octobre », précise ledit document. Et d’ajouter : « les niveaux des eaux souterraines dans une grande partie de l’Afrique du Nord, y compris la Libye, étaient inférieurs à la normale, reflétant des baisses à long terme probablement dues à des prélèvements excessifs plutôt qu’à des facteurs climatiques. L’Afrique subsaharienne et la Corne de l’Afrique ont toutes deux connu des SST nettement supérieures à la normale en 2023, reflétant une augmentation significative et persistante du stockage de l’eau depuis 2019, ce qui met en évidence les tendances positives à long terme dans ces régions».
Divergences et insuffisances
Sur un autre registre, l’OMM explique que «la validation des résultats modélisés pour 2023 a montré une concordance dans plus de 73% des bassins entre les anomalies observées et simulées, en particulier en ce qui concerne les précipitations, notamment en Europe centrale et septentrionale, en Nouvelle-Zélande, en Australie, dans le cours supérieur du fleuve Paraná au Brésil et au Paraguay, dans le Gange en Inde et le fleuve Irrawaddy au Myanmar. Toutefois, des divergences entre les anomalies modélisées et observées ont été observées en Afrique du Sud, dans le bassin supérieur de l’Amazone, dans le bassin du Lule en Suède, dans les bassins du Nelson et du Mississippi supérieur en Amérique du Nord, et dans le fleuve Niger en Afrique».
A ce propos, les experts de l’OMM soutiennent que «si les modèles sont capables de fournir une image cohérente et fiable des conditions d’écoulement dans de nombreux bassins versants à travers le monde, la validation des modèles n’est pas suffisante ». Et d’ajouter qu’«en général, il n’existe pas encore de système d’observation systématique du cycle hydrologique mondial, en raison du manque de mesures in situ et/ou d’échange de données».
Hassan Bentaleb
Inondations exceptionnelles de septembre dans le sud du Maroc
La Direction générale de la météorologie marocaine (DGM) a averti, sur son compte X, que les phénomènes climatiques extrêmes, bien que rares, risquent de devenir plus fréquents en raison du changement climatique. Le mois de septembre 2024 a été particulièrement instable et pluvieux, avec des précipitations record dépassant 200 mm en 48 heures dans certaines régions du sud et du sud-est du Maroc, des zones normalement arides. Ce phénomène inhabituel est attribué au déplacement vers le nord de la zone de convergence intertropicale (ZCIT), entraîné par les changements climatiques globaux.
La DGM explique que l’augmentation des températures mondiales provoque une plus grande instabilité climatique, notamment en raison de l’évaporation accrue des océans qui génère davantage d’humidité dans l’atmosphère. Lorsque cette humidité rencontre des masses d’air froid en altitude, elle se transforme en fortes pluies violentes. Cette instabilité a provoqué des orages violents, parfois accompagnés de grêle, du 6 au 9 septembre et du 19 au 22 septembre 2024, dans le sud et le sud-est du Maroc. Le contraste thermique entre des masses tropicales d’air chaud venant du sud et des masses d’air froid venant du nord a exacerbé ces conditions météorologiques extrêmes.
Les quantités de pluie ont varié entre 30 et 130 mm en 24 heures, avec des records de 127 mm à Aga (Tata) et 92,7 mm à Tata. Ces fortes pluies, concentrées sur une courte période, ont causé des inondations, particulièrement dans les zones montagneuses, où le relief a facilité l’accumulation des eaux dans les oueds et les bassins, entraînant une montée rapide des cours d’eau. Ce phénomène souligne l’urgence de comprendre et de s’adapter aux effets croissants du changement climatique dans la région.
En 2023, le Maroc est devenu le quatrième plus grand bénéficiaire de la finance verte en Afrique, recevant 1,195 milliard de dollars, selon un rapport annuel de plusieurs banques multilatérales de développement (BMD). Ce financement récompense les initiatives du Royaume, telles que la stratégie nationale à faible émission de carbone et les plans nationaux d’adaptation. L’Egypte, l’Afrique du Sud et l’Éthiopie occupent les trois premières places avec des financements respectifs de 2,019, 1,672 et 1,392 milliards de dollars, suivies de près par le Maroc.
Derrière le Maroc, d’autres pays africains comme le Kenya, la Côte d’Ivoire, le Nigeria, la Tanzanie, le Sénégal et la République Démocratique du Congo ont également bénéficié de financements substantiels, variant de 885 millions à 1,115 milliard de dollars.
Le rapport met en lumière la vulnérabilité de l’Afrique aux effets du changement climatique, malgré sa faible part des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Certains pays africains ont su attirer des financements considérables pour lutter contre le changement climatique, devenant des modèles à suivre en matière d’action climatique.
Le rapport indique que le développement économique influence l’accès aux financements climatiques, bien qu’il ne soit pas le seul critère. Des économies émergentes comme l’Egypte et l’Afrique du Sud ont concentré leurs efforts sur l’atténuation des émissions, notamment dans les énergies renouvelables, tandis que des pays comme l’Éthiopie et le Kenya ont majoritairement dirigé leurs fonds vers des projets d’adaptation. Par exemple, 75% des fonds de l’Éthiopie étaient consacrés à cette finalité.
La majorité des financements climatiques dans ces pays ont été dirigés vers des entités publiques, en particulier dans les pays à faible revenu. L’Ethiopie, la Côte d’Ivoire et le Kenya ont respectivement reçu 96%, 85% et 80% de leurs fonds par des entités publiques, mettant l’accent sur les défis à attirer des investissements privés pour des projets d’adaptation. En revanche, l’Egypte et l’Afrique du Sud, où les secteurs privés sont plus actifs, ont respectivement 60% et 53% de leurs financements dirigés vers des initiatives privées, surtout dans le domaine de l’atténuation et des énergies renouvelables.
Le rapport montre que les dix principaux bénéficiaires des financements climatiques sont majoritairement situés en Afrique du Nord, de l’Est, et de l’Ouest, avec une nette concentration des efforts sur ces régions en raison de leur vulnérabilité climatique.
Les pays du Golfe sont de plus en plus vulnérables aux impacts économiques et financiers du changement climatique. Un rapport de SNB Global prévoit que d’ici 2050, jusqu’à 8% du PIB annuel de la région pourrait être menacé si aucune mesure d’adaptation n’est prise. Cette vulnérabilité est exacerbée par la concentration géographique de leur économie, principalement dans les villes, les installations pétrolières et les zones franches. Les pays du Golfe sont particulièrement exposés à la chaleur extrême, au stress hydrique et aux inondations occasionnelles, rapporte le site Alhurra.
Amer Shobaki, économiste, interviewé par Alhurra, affirme que ces pays risquent de voir leurs projets de diversification économique compromis par ces impacts climatiques. Il appelle les Etats du Golfe à réduire leurs émissions de carbone et à investir dans des énergies alternatives pour atténuer les effets du changement climatique. Shobaki met en garde contre les répercussions sur l’attractivité des investissements, la fiabilité des chaînes d’approvisionnement et l’intégrité des infrastructures, qui pourraient ébranler la confiance des investisseurs.
Les effets climatiques se font déjà sentir, comme en témoigne la baisse de la croissance des entreprises non pétrolières aux Emirats arabes unis après les fortes pluies et les inondations en avril. L’indice des directeurs d’achat (PMI) des Emirats a chuté à son plus bas niveau en huit mois, bien que la production soit restée légèrement stable grâce aux bonnes conditions économiques intérieures. Cependant, les nouvelles commandes ont été durement affectées par les intempéries, démontrant la vulnérabilité croissante de la région aux événements climatiques extrêmes.
Spécial réalisé par Hassan Bentaleb
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