Je suis l’ami de tous les concierges de ma rue. Ils sont tous d’agréable commerce. Dotés d’une grande culture, j’en connais même un qui a une licence en droit. Mais celui-là, son diplôme c’est son humour « Je suis le prince d’un immeuble ».
Les concierges contribuent au maintien du réseau social du quartier. Leur avis est important « Si on ajoutait Reine (Mélikah) juste avant Abdelmoumen sur cette plaque ? ». Le concierge me répond avec le sourire de celui qui en sait plus que les autres « Un roi c’est sacré, ce roi marocain c’est encore plus sacré. Abdelmoumen a élargi les frontières du royaume à la Lybie et jusqu’au nord de l’Andalousie. Il a fondé une ville, Rabat, aujourd’hui capitale du pays. Ta reine, si au moins elle existait, si au moins elle avait fondé une ville, même une petite, on pourrait peut-être lui accorder une petite rue à son honneur ».
Abdelmoumen, ce nom qui, de l’arabe se traduit Esclave du croyant, on le dirait extrait d’un poème de Claude Gauvreau dans son Ode à l’ennemi. Mélikah en arabe veut dire reine, rien de plus simple. On ne choisit pas son prénom ni son nom, on ne choisit pas non plus d’être roi ou empereur, ça nous tombe dessus et on vit avec. Mais être écrivain, c’est un choix. C’est peut-être le seul qui permet à un être humain d’être souverain. Chaque fois que je la lis ou que je l’écoute à la radio, je sens chez cette écrivaine québécoise un profond et véritable désir de dompter les mots pour les mettre au service d’une humanité qui peine à rester humaine.
On peut être femme, s’appeler Abdelmoumen et se sentir pleinement reine. Chère Mélikah, une rue porte déjà ton nom!
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