Au moment où les prix des médicaments continuent leur baisse, la nouvelle tarification nationale de référence se fait toujours attendre. Détails.
Jusqu’à présent, cette décision n’a pas encore été actée au Bulletin Officiel, mais le sera bientôt. Selon une source ministérielle, les baisses vont varier de 5% à 59% en fonction des médicaments et des pathologies. La nouvelle réduction, rappelons-le, concerne plusieurs pathologies telles que les maladies cardio-vasculaires, le cancer, l’hypertension, l’hépatite B… En gros, il s’agit des maladies qui nécessitent une longue prise en charge. Cette décision fait l’objet d’un décret ministériel.
Malgré cette “bonne nouvelle”, des efforts restent à faire pour garantir que les médicaments soient durablement accessibles. “Aujourd’hui, nous ne pouvons parler de hausse des prix, il n’y a pas eu de hausses”, a rassuré le ministre qui, pourtant, reconnaît que le niveau général des prix reste élevé par rapport au pouvoir d’achat des citoyens. Aux yeux de Khalid Ait Taleb, l’optimisme reste de mise. Le bilan de ce qui a été fait jusqu’à aujourd’hui, considère-t-il, demeure positif pour autant que les prix de 4500 médicaments génériques ont baissé grâce à leur exonération de la TVA. Cette décision a été prise par le gouvernement dans la Loi des Finances 2024 dans le cadre de la réforme fiscale. Une décision à laquelle l’ensemble du secteur pharmaceutique, que ce soient ses composantes industrielles ou commerciales, a adhéré. Cette décision a été prise de sorte à ce que cela se fasse en concertation avec les laboratoires fabricants pour qu’ils ne soient nullement impactés.
En dépit des efforts consentis, les prix restent élevés pour le citoyen, a riposté l’opposition parlementaire, alléguant le niveau des prix à l’étranger. Le ministre a rejeté catégoriquement les comparatifs entre les prix au Maroc et ceux pratiqués dans des pays européens. “Les pharmaciens d’officine dans certains pays ont d’autres sources de profit que la vente des médicaments, alors qu’ici on se contente des marges commerciales, raison pour laquelle nous sommes en cours de réforme du secteur pharmaceutique dans son ensemble”, a-t-il fait savoir. Là, il fait allusion aux nombreux actes médicaux auxquels les pharmaciens officinaux ont accès dans des pays comme la France par exemple, et qui leur rapportent des revenus supplémentaires, ce qui expliquerait, selon lui, les écarts de prix. Les syndicats des pharmaciens, pour leur part, n’ont eu de cesse de revendiquer l’élargissement de leurs compétences pour pouvoir exercer des actes médicaux. Ils ont obtenu récemment la réalisation des tests diagnostic rapide. Un pas en avant en attente d’autres prestations.
Cette nouvelle classification n’est que le prélude d’une nouvelle étape vers une tarification nationale de référence qui prenne en compte l’ensemble des actes professionnels. Tout le monde attend impatiemment la nouvelle Nomenclature tarifée, d’autant qu’il n’y a pas eu de mise à jour depuis 2006. Il s’agit également d’une condition sine qua non pour la généralisation de l’AMO.
Pour rappel, la tarification de référence est si importante qu’il s’agit de la base sur laquelle se calcule le niveau du remboursement des médicaments et des prestations médicales par la Sécurité sociale. D’où la nécessité qu’elle soit mise à jour et être conforme aux prix réels des actes médicaux et aux évolutions des technologies médicales, et ce, au bénéfice à la fois des opérateurs privés et des ménages. Aujourd’hui, ce travail incombe à l’Agence Nationale de l’Assurance Maladie (ANAM) qui poursuit les concertations avec l’ensemble des acteurs concernés. “Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en place un nouveau cadre tarifaire sans tenir compte des équilibres de la couverture médicale. Nous avons besoin de compromis”, a insisté le ministre lorsqu’il a été interrogé sur ce point. Cette tarification est jugée vitale pour mettre fin aux abus souvent observés dans le secteur privé, dont le chèque-garantie et ce qu’on appelle “le noir”. “Ces abus existent, j’en conviens, mais ne généralisons pas”, a reconnu Khalid Ait Taleb, qui parie pour l’instant sur le contrôle et les missions d’inspection. Cette année, toutes les contraventions seraient sanctionnées, selon les déclarations du ministre qui, force est de le constater, n’a donné aucun chiffre officiel pendant son passage à l’hémicycle.
L’impact est évalué à 4% du chiffre d’affaires, selon les estimations de la Confédération des syndicats de pharmaciens d’officine du Maroc. Bien qu’en théorie la TVA soit neutre, c’est-à-dire payée par le consommateur, 70% de petits pharmaciens devraient s’adapter différemment à l’exonération de la TVA sur les prix des médicaments. Il convient de rappeler que 70% des petites pharmacies étaient autorisées à conserver la TVA et ne pas la restituer. Une sorte de dérogation pour cette catégorie en raison des difficultés financières dont elle souffre. C’est une dérogation prise à titre exceptionnel parce qu’on veille à ne pas accabler davantage les pharmaciens d’officine menacés de faillite.
Que proposent les pharmaciens ?
Je rappelle que le manque à gagner en termes de chiffre d’affaires est de 4%, selon nos prévisions. Par conséquent, les pharmaciens concernés, dont le nombre est important, surtout dans les régions éloignées, plaident pour une compensation. Je rappelle que tous les pharmaciens adhèrent à l’initiative de l’exonération de la TVA, qui demeure une mesure louable et salutaire pour le secteur vu qu’elle est de l’intérêt de tous. Nous revendiquons seulement que le ministère de tutelle veille à ce qu’elle soit appliquée de façon à ne pas impacter les professionnels dans la période transitoire et trouver une solution à ceux qui bénéficiaient avant du régime dérogatoire.
Pensez-vous que l’exonération de la TVA aura un effet sur les prix qui entraînera une hausse, ne serait-ce que relative, sur la demande ?
À mon avis, il ne faut pas s’attendre à de fortes baisses, puisque l’effet ne sera pas si grand qu’on puisse penser, vu qu’il y a eu déjà par le passé plusieurs baisses significatives des prix. Je rappelle que le décret ministériel de 2014 qui régularise les prix a baissé les tarifs de 4500 sur 6000 médicaments avec des réductions estimées à 70%. Je rappelle aussi que la liste des prix réduits est renouvelée à titre quinquennal.
Selon les explications de l’Exécutif, ce chantier vise également à mieux gérer les risques financiers et à garantir une plus grande équité dans l’accès aux soins et le remboursement des prestations de santé pour les assurés et leurs ayants droit, dans un contexte financier préoccupant où la CNSS affiche un excédent de plusieurs milliards de dirhams, tandis que la CNOPS se dirige vers un déficit budgétaire croissant. Or, Mustapha Baitas a reconnu qu’il s’agit d’une réforme difficile.
En fait, quand on interroge les pharmaciens, dont le nombre s’élève à 12.000 à l’échelon national, sur leurs craintes, une réponse revient souvent dans leurs bouches : les marges, dont le mode de calcul actuel est considéré comme préjudiciable à la solvabilité des petites pharmacies. Ce débat refait surface à chaque fois que le ministère de tutelle procède à la révision des prix des médicaments.
Selon les estimations, la marge moyenne des pharmaciens est de 27%, sachant que les marges varient entre 29% et 33% en fonction des prix des médicaments de moins de 1000 dhs. Selon les pharmaciens, les marges sont plus problématiques pour les médicaments onéreux dont le prix dépasse 1000 dirhams. Là, on raisonne en termes de forfait. Le pharmacien perçoit une marge de 300 dirhams quand le médicament coûte entre 1000 et 3000 dirhams. Dès que les prix dépassent cette barre, les marges ne peuvent aller au-delà de 400 dirhams.
Rappelons que le prix du médicament est défini sur la base d’un benchmark avec sept pays. Quant aux marges du pharmacien d’officine et les forfaits, ils ont été fixés par le Décret 2-13-852 relatif aux conditions et aux modalités de fixation du prix public de vente des médicaments fabriqués localement ou importés.
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