« Rafa » a écrasé la concurrence sur l’ocre durant près de vingt ans, depuis ses débuts professionnels en 2001, mais réduire sa palette à cette couleur serait une erreur.
Avec 92 trophées, le trône de N.1 mondial occupé pendant 209 semaines, quatre Coupes Davis et deux médailles d’or olympique, en simple (2008) et double (2016), il possède l’un des palmarès les plus foisonnants avec ceux de Djokovic et Federer.
En janvier 2022, à Melbourne, il est devenu après Djokovic le deuxième joueur de l’ère Open (depuis 1968) à remporter au moins deux fois chacun des quatre tournois du Grand Chelem.
Lui-même place au-dessus ses deux victoires sur le gazon de Wimbledon en 2008 et 2010. Surtout la première, conquise dans un match de légende contre le champion suisse, coauteur avec lui d’un des feuilletons les plus passionnants de l’histoire du sport.
Mais c’est bien sur la terre battue, terrain si exigeant pour la tête et les jambes, que son art a atteint la perfection. Durant sa carrière, il a été quasiment imbattable d’avril à juin grâce à son lift incontrôlable et à ses glissades supersoniques: 484 matches gagnés sur 535 disputés, plus de 90% de succès.
Ses triomphes parisiens, de 2005 à 2008, de 2010 à 2014, de 2017 à 2020 et en 2022, sont ses chefs-d’oeuvre. Aucun champion n’a jamais réussi à gagner autant de fois un même tournoi du Grand Chelem… ni d’aucune autre catégorie d’ailleurs.
Personne d’autre non plus n’a jamais remporté 81 matches de suite sur terre battue, record établi entre avril 2005 et mai 2007, ni empilé 63 titres sur cette surface.
Né d’une mère commerçante et d’un père chef d’entreprise à Manacor, la troisième ville de Majorque, île des Baléares à laquelle il reste viscéralement attaché, Nadal a passé son enfance dans un immeuble où logeait toute sa famille. Ou plutôt son clan, tant un esprit de corps soudait ses membres – à cet égard la séparation de ses parents, en 2009, a été une rude épreuve.
Ses oncles ont eu une importance décisive: Miguel Angel Nadal, ancien footballeur au FC Barcelone, qui lui a fait prendre conscience très jeune des exigences du sport professionnel, et surtout Toni, son mentor de l’âge de quatre ans jusqu’à 2018 (quand son compatriote et ami Carlos Moya a pris la relève).
Sous la férule de cet oncle entraîneur, « le plus sévère qu’on puisse imaginer », le petit prodige a sué sang et eau au club de tennis juste en face de la résidence familiale. « Il me mettait une pression très forte, usait d’un langage brutal, criait souvent ; j’avais peur de lui », raconte le joueur dans son autobiographie « Rafa ».
D’après Toni, c’était le prix à payer pour transformer un garçon plutôt timide et craintif en bête de combat sur le court. Et aussi en gentleman: « Interdiction absolue de jeter sa raquette ».
Moins doué techniquement que Federer – même s’il ne faut pas sous-estimer l’habileté de sa patte gauche, qu’il n’utilise que pour jouer au tennis, étant droitier – Nadal a triomphé grâce à son mental, à cette « capacité à accepter les difficultés et à les surmonter, supérieure à celle de la plupart de (ses) rivaux », selon ses mots, et à son exceptionnel pouvoir de concentration, lorsqu’il est « entièrement immergé dans (son) tennis, solitaire, avec un sentiment de vie intense ».
C’est d’ailleurs sa « ténacité, l’engagement et la combativité » que Djokovic a salué jeudi à l’annonce de sa fin de carrière de son grand rival.
Son corps a souvent été son pire ennemi. Dès 2006, Nadal s’est cru perdu à cause d’un mal chronique (syndrome de Müller-Weiss) au pied gauche. Cette douleur qui va et vient sans jamais disparaître est devenue particulièrement handicapante en toute fin de carrière : il a ainsi remporté son quatorzième et dernier Roland-Garros avec son pied touché anesthésié.
Des problèmes au genou et au poignet l’ont également tenu éloigné des courts pendant de longues périodes, sans compter les déchirures abdominales. Une blessure à un muscle de la hanche, survenue en janvier 2023 à l’Open d’Australie, l’a poussé à être opéré et à mettre un terme précoce à sa saison, avec pour objectif un ultime retour en 2024 à Paris: à Roland-Garros d’abord, puis aux Jeux olympiques. Il y a effectivement joué, mais loin de sa meilleure forme.
Cet homme immensément célèbre et riche (près de 135 millions de dollars de gains en tournoi, sans compter les revenus publicitaires) se décrit comme une personne ordinaire qui n’aime rien tant qu’aller à la pêche avec ses amis, regarder des matches de football – qu’il préférait au tennis étant enfant – et passer du temps avec son épouse « Mery », une Majorquine dont il partage la vie depuis 2005. Ils ont eu un fils en octobre 2022, prénommé Rafael.
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